Bulletin 220 #1 - La Constitution tiendra-t-elle après la guerre ?
Édito - La tentation est ancienne. En RDC, l’idée de retoucher la Constitution revient avec une régularité presque cyclique. Mais rarement le débat aura pris une tournure aussi directe, aussi sensible. Comme
souvent, c’est l’article 220 qui est au centre du viseur — cette ligne rouge que les pères de la Loi
fondamentale de 2006 ont voulu infranchissable.
Depuis 2021, les signaux s’accumulent. À Kinshasa, Kisangani ou Lubumbashi, les déclarations du chef de ’État et de certains parlementaires esquissent le projet. Le ton varie, les intentions se camouflent ou
s’affichent selon l’actualité. Mais une constante se dégage : la volonté d’« adapter » la Constitution ne
vise pas seulement des ajustements techniques. Elle interroge le socle même de notre démocratie.
Officiellement, il s’agit de corriger une Constitution « rédigée à l’étranger », de la rapprocher des réalités
congolaises. Officieusement, la société civile, l’opposition, les experts juridiques pointent un risque
majeur : celui de fragiliser les principes non négociables que protège l’article 220 limitation
des mandats présidentiels, indépendance de la justice, pluralisme politique.
La déclaration du 16 novembre 2024 à Lubumbashi, dans laquelle le président Félix Tshisekedi
s’interrogeait sur la légitimité de ceux qui l’empêcheraient de « modifier la Constitution », a
marqué un tournant. Pour beaucoup, c’était la preuve que la ligne rouge n’était plus sacrée. Depuis, la
guerre dans l’Est a relégué la question au second plan. Mais le silence n’est pas synonyme d’abandon.
La réforme est suspendue, pas enterrée. C’est dans ce flou que l’enjeu démocratique devient le plus critique.
C’est dans ce contexte que naît le Bulletin 220, un moniteur citoyen, indépendant et rigoureux, pour documenter les faits, décrypter les discours, analyser les réformes et défendre le droit à l'information.
Parce que les clauses d’intangibilité ne sont pas des reliques juridiques, mais les piliers de notre avenir
démocratique.
Nous lançons ce premier numéro avec une conviction simple : la vigilance citoyenne est la meilleure
garantie contre les glissements insidieux. Alors, stop, ou encore ? Cette fois, c’est au peuple d’y répondre, éclairé et outillé.
Trésor Kibangula
Directeur du pilier politique