CSAC, régulateur ou partisan ?
Aujourd’hui, Ebuteli publie sa deuxième note thématique de la série sur les institutions impliquées dans la gestion du processus électoral, intitulée CSAC, régulateur ou partisan ?
Cette note se concentre sur le rôle joué par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) durant le processus électoral de 2023. L'étude met en lumière l’influence croissante exercée par des acteurs politiques sur cette institution et examine comment ces dynamiques ont affecté la régulation des médias pendant le processus électoral.
Depuis sa redynamisation, le CSAC a fait l'objet de nombreuses critiques pour la manière dont certains de ses membres, notamment ceux désignés sous des quotas présidentiels et parlementaires, influencent les décisions de l'institution. L'étude se penche sur les effets de ces désignations sur la régulation des médias en RDC, soulevant des questions sur l'impartialité de l'organe et son indépendance vis-à-vis des influences politiques.
Au cours du cycle électoral de 2023, le CSAC a été accusé d'avoir pris des décisions biaisées, sanctionnant de manière disproportionnée les médias de l’opposition tout en se montrant plus tolérant envers les médias affiliés à la majorité présidentielle. Ces sanctions administratives, incluant la suspension de médias ou d’émissions critiques envers le pouvoir, ont alimenté les doutes sur l'équité de l'institution en pleine période électorale.
Bien que le CSAC soit un organe constitutionnel recevant une dotation budgétaire de l'État congolais, la note souligne que ces ressources se sont révélées insuffisantes pour lui permettre de remplir pleinement ses missions pendant cette période cruciale.
L'étude met également en lumière le fait que, malgré certaines mesures positives visant à réguler les discours de haine et à promouvoir la cohésion nationale, le CSAC est resté silencieux face aux discours et contenus incitant à la violence ou à la discrimination, diffusés par des médias proches du pouvoir.
Pour renforcer l'indépendance et l'efficacité du CSAC, la note recommande l’établissement d’un cadre de concertation régulier entre cet organe, les autres institutions de la République, et les organisations de la société civile. Elle préconise également une répartition plus équilibrée des compétences au sein du bureau du CSAC pour garantir une régulation équitable des médias pendant les processus électoraux.
De la biométrie à la machine à voter : analyse de deux décennies d’innovations technologiques dans les élections en RDC
Ebuteli publie ce jeudi son rapport intitulé De la biométrie à la machine à voter : analyse des deux décennies d’innovations technologiques dans les élections en RDC, qui fait le bilan de l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les différents cycles électoraux et examine la façon dont les avancées technologiques ont contribué, ou pas, à améliorer l’intégrité des élections en RDC.
À chaque cycle électoral, les principaux défis restent inchangés : la confiance des acteurs concernés, l’intégrité des processus électoraux, la qualité de la participation des citoyens et le coût des élections. La RDC s’est pourtant tournée vers diverses solutions technologiques dans le but de tenir des élections les plus crédibles et moins coûteuses. Ces solutions comprennent, entre autres, la biométrie, les logiciels de traitement de candidatures, les applications de localisation de centres d’inscription des électeurs et des bureaux de vote, la machine à voter, renommée dispositif électronique de vote.
Par exemple, l’identification et l'enrôlement des électeurs ont été rendus possibles, dans un pays aussi vaste, grâce à la biométrie. Cependant, une des conclusions majeures de notre étude montre que l’utilisation des nouvelles technologies offre de grandes possibilités, mais n’améliore pas suffisamment la confiance dans le processus électoral. Parfois, ces technologies ne répondent pas nécessairement aux problèmes qu’elles sont censées résoudre.
Lors des élections de 2018, plusieurs contestations avaient éclaté entre les parties prenantes au processus électoral concernant l’utilisation de la machine à voter. Bien que les scrutins de 2023 étaient marqués par une moindre polémique autour de cet outil, ce rapport souligne toujours la nécessité de la participation inclusive de tous les acteurs, notamment les partis politiques et la société civile, dans l’adoption des nouvelles technologies électorales pour en faciliter l’acceptation et renforcer la confiance dans le processus. À l'ère de la désinformation, une telle démarche est essentielle pour éviter des contestations infondées.
Notre analyse relève également que l'adoption de la technologie a parfois été utilisée pour des manipulations à divers stades du processus électoral. Le rapport suggère qu’il est important de renforcer les cadres juridique et opérationnel de l’usage de la technologie dans les élections, en vue d’instaurer des garde-fous susceptibles d’améliorer l'intégrité et la transparence des prochaines élections.
Par ailleurs, les questions liées à la sécurité informatique risquent de compromettre davantage la mise en place de ces technologies. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) doit redoubler d’efforts pour informer les parties prenantes, encourager le rôle des témoins, des observateurs, et de la société civile, tout en adaptant leurs rôles au contexte créé par l’introduction des nouvelles technologies.
Les questions d’entretien et de remplacement des logiciels et du matériel informatique soulèvent des inquiétudes quant à la sécurité des outils utilisés et leur longévité. Pour rassurer toutes les parties prenantes aux processus électoraux, il est indispensable de réaliser régulièrement des audits pré-électoraux, électoraux et post-électoraux et publier les résultats de ces audits. De même, il importe d’établir une base permanente du fichier général de la population afin d’ extraire le fichier électoral à chaque élection, sans avoir à recourir systématiquement à l’opération d’identification et d'enrôlement des électeurs.
La résurgence du M23 : rivalités régionales, politique des donateurs et blocage du processus de paix
Publié ce mardi, le rapport d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), intitulé La résurgence du M23 : rivalités régionales, politique des donateurs et blocage du processus de paix, affirme que les causes de la résurgence de la rébellion du M23 sont principalement extérieures à la RDC.
Depuis novembre 2021, les rebelles du M23 ont refait surface. Avec le soutien du Rwanda, ils occupent désormais de larges pans de la province du Nord-Kivu, dont plusieurs grandes agglomérations, et ont provoqué le déplacement de plus de 1,7 million de personnes.
Notre rapport soutient que le facteur le plus important de la résurgence du M23 était initialement la relation tendue entre les gouvernements ougandais et rwandais. En 2021, Kinshasa et Kampala ont mis sur pied des partenariats économiques et sécuritaires. Cela a contribué à donner à Kigali le sentiment d’être marginalisé dans la région et de voir ses intérêts menacés. Ce sentiment d’isolement a été l’un des principaux moteurs de son soutien au M23.
Ainsi, contrairement aux récits du gouvernement rwandais et du M23 affirmant que la rébellion est apparue en réponse au soutien du gouvernement congolais aux FDLR et à la violence et aux discriminations contre les Tutsi, notre rapport suggère que ces dynamiques sont davantage des conséquences que des causes de la résurgence du M23. Il n'y a guère de preuve d’une recrudescence des violences anti-Tutsi au Nord-Kivu avant la résurgence du M23.
Par ailleurs, la montée en puissance du M23 a renforcé ces tensions ethniques et les discriminations plus qu’il ne les a empêchées.
Ensuite, la faiblesse de l’État congolais a aggravé cette crise. Confrontées à une pression militaire du M23 et de l’armée rwandaise, les Forces armées de la RDC (FARDC) n’ont pas été capables de surmonter cette situation. Le gouvernement congolais a recouru à des entreprises privées et a collaboré avec des groupes armés étrangers et locaux. Or ces groupes - tout comme le M23 - recrutent principalement sur une base ethnique, ce qui a aggravé les tensions communautaires et régionales.
Sur le terrain diplomatique, le processus de Nairobi a été confronté à une contradiction fondamentale entre les intérêts des États participants. Tandis que le processus de Luanda, impulsé par l’Union africaine, a récemment permis d’obtenir un cessez-le-feu, il a fait peu de progrès vers une résolution durable de la crise pour l’instant.
Bien que le gouvernement congolais ait récemment proposé un plan pour démanteler les FDLR dans le cadre du processus de Luanda, ce qui est nécessaire, notre rapport suggère que cela ne sera probablement pas suffisant pour mettre fin à cette crise.
Notre étude constate aussi que, même si tous les principaux donateurs ont fini par condamner le Rwanda pour son soutien au M23, la position du Rwanda sur la scène internationale n’a été que peu affectée par son implication. Kigali n’a, jusque-là, pas eu à souffrir de conséquences matérielles. La puissance militaire du Rwanda, qui lui a permis de devenir un allié important des Occidentaux et un acteur clé du système des Nations unies en Afrique, est certainement parmi les raisons de cette indulgence.
Compte tenu du rôle que le Rwanda joue dans cette crise, une pression accrue, notamment financière, est la première étape la plus évidente pour y remédier. Du côté congolais, il est notamment impératif que la réforme du secteur de la sécurité soit menée. Le gouvernement doit transformer les FARDC, qui servent largement à distribuer des privilèges et extraire des ressources, en un véritable service public.
Scrutins sous contrôle : la Cour constitutionnelle face aux pressions politiques
Publiée ce jeudi par Ebuteli, la première note thématique de la série institutions électorales, intitulée Scrutins sous contrôle : la Cour constitutionnelle face aux pressions politiques, analyse comment les considérations politiques influencent les décisions de la Cour constitutionnelle et mettent en péril la confiance des parties prenantes au processus électoral.
Cette note retrace d’abord la dynamique de caporalisation politique dans la composition de cette instance judiciaire à la veille des élections de 2023. Aujourd’hui, la configuration de la Cour constitutionnelle porte encore les stigmates de la volonté de chaque camp de consolider son pouvoir en plaçant des juges fidèles. Ce qui illustre aussi l’importance stratégique de la Cour dans le contexte électoral.
En conséquence, notre analyse décrypte comment les décisions de la Cour constitutionnelle sont parfois orientées par des intérêts politiques. Dans le traitement des contentieux relatifs à la liste définitive des candidats à la présidentielle, ses arrêts ont même renforcé l’hypothèse selon laquelle ses décisions s’alignent sur les stratégies de l’Union sacrée de la nation (USN), coalition politique autour du président Tshisekedi, qui pariait sur l’incapacité de l’opposition politique à se fédérer pour éviter une multitude de candidatures dans un scrutin présidentiel à un tour.
Les limites de l'indépendance de la Cour constitutionnelle sont aussi aux contraintes structurelles majeures. Notre étude pointe ainsi le manque de financement qui rend le pouvoir judiciaire extrêmement dépendant du gouvernement, composé des acteurs politiques contre lesquels il est parfois appelé à se prononcer lorsque surviennent des questions électorales.
Enfin, la note préconise, pour restaurer l'intégrité et l'indépendance de la Cour constitutionnelle, d'adopter des réformes structurelles. Celles-ci doivent inclure l'établissement de critères clairs et transparents pour la nomination et le renouvellement des juges constitutionnels, ainsi qu'une supervision indépendante du processus.
De plus, le financement du pouvoir judiciaire doit être augmenté et sécurisé pour garantir une véritable autonomie financière, réduisant ainsi la vulnérabilité des membres de la Cour aux influences politiques et économiques, conclut notre étude.
La prison de Makala : un symbole des défis carcéraux et judiciaires en RDC
Dans la nuit du 1er au 2 septembre, le centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa, prison centrale de Makala, a connu une tentative d’évasion. Bilan officiel : au moins 129 détenus tués dont 24 par balles, des femmes violées, un bâtiment administratif brûlé… Alors que le flou demeure sur les circonstances de cette tragédie, des enquêtes sont en cours : s'agissait-il d’une tentative d’évasion planifiée ou d’une révolte suite aux conditions difficiles de détention ? En tout cas, ce nouveau drame à Makala remet en lumière les défis du système carcéral congolais.
Bonjour et bienvenue dans ce 35e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) qui analyse, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise. Je suis Ange Makadi Ngoy, chercheuse à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 6 septembre 2024.
Depuis trois mois, la prison centrale de Makala est sous le feu des projecteurs. En juillet, sur son compte X (ex-Twitter), le journaliste Stanys Bujakera diffusait des images insupportables de la plus grande prison du pays où il a été incarcéré près de six mois. Mais son constat n’était malheureusement pas nouveau. Les conditions de détention à la prison de Makala sont inhumaines. La surpopulation carcérale, notamment, fait de ce lieu un mouroir pour les détenus. La prison de Makala a été construite pour 1 500 personnes ; aujourd’hui, elle héberge autour de 15 000 détenus.
Si Constant Mutamba, le ministre de la Justice, avait remis en cause la temporalité de ces images, la triste réalité avait fini par le rattraper lors de sa visite à la prison de Makala. Ceci l'a poussé à prendre certaines mesures, notamment la libération de 527 prisonniers en vue de désengorger la prison. Mais il est nécessaire d’aller au-delà de ces mesures symboliques. La prison de Makala n’est en effet que l’exemple le plus visible de ce qui se passe dans les prisons du pays : promiscuité extrême, conditions d'hygiène déplorables, manque d'eau potable, alimentation et médicaments insuffisants, violences et insécurité.
Revenons aux événements du 1er septembre. Des enquêtes indépendantes doivent être menées pour identifier les personnes décédées, les causes de leurs morts, et les circonstances de l’usage de balles réelles sur les détenus.
Mais quelles que soient leurs conclusions, il y a urgence à assurer enfin le respect des droits fondamentaux en prison. Des réformes courageuses doivent être engagées. Au niveau du parquet, il faudrait veiller au respect des délais prévus par la loi. Des violations massives des droits humains sont en effet commises à l’encontre des détenus, notamment parce que la majorité ne sont pas condamnés et donc en détention préventive. Au-delà de la nécessaire réforme du système carcéral, c’est toute la justice qui est à réformer.
Si le système carcéral congolais est bien confronté à un manque criant d'infrastructures, la construction des nouveaux centres pénitentiaires seule ne suffira pas. Elle risque en effet d'être une mesure coûteuse. Le principe de la liberté doit redevenir réellement la règle et la détention l’exception. Le législateur pourrait exclure la prison pour des délits mineurs et recourir à des amendes ; réduire le recours à la détention provisoire ; et réfléchir et mettre en place des alternatives à l’emprisonnement.
En atendant, vous pouvez rejoindre notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone. Merci pour votre attention. À bientôt !
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Fred BaumaEbuteli
Ebuteli travaille avec le Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Ce dernier a été fondé en 2015 dans le but de promouvoir des recherches rigoureuses et indépendantes sur la violence qui affecte des millions de Congolais. Aujourd'hui, les recherches bilingues du GEC visent à expliquer les interactions complexes entre la politique, la violence et l'économie politique en RDC à un large public.