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Sécurisation du certificat de nationalité en RDC : quels préalables ?

Sécurisation du certificat de nationalité en RDC : quels préalables ?

5 juil. 2024

Fin juin, Constant Mutamba, nouveau ministre de la Justice, a signé une note circulaire introduisant de nouvelles conditions pour la délivrance du certificat de nationalité congolaise. Désormais, un avis préalable de l'ANR et de la DGM est requis. Cette décision soulève de nombreuses questions.

Bonjour,

Je m'appelle Trésor Kibangula, et je coordonne les recherches sur la politique à Ebuteli. Vous écoutez le 26e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, le podcast hebdomadaire d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), qui offre chaque vendredi notre point de vue sur les questions d'actualité en RDC.

Le ministre justifie cette mesure par la nécessité de renforcer la sécurité et d'éviter l'infiltration des institutions par des personnes étrangères, notamment celles détenant une double nationalité, la nationalité congolaise étant une et exclusive. C’est la thèse officielle. Cette approche viserait à pallier les faiblesses des services de l'État. Cependant, cette démarche pourrait être perçue comme une consécration de l’hypocrisie. Aujourd'hui, bon nombre de membres de l'élite congolaise possèdent des nationalités étrangères tout en conservant leur statut de citoyen congolais. Ils réussissent souvent à obtenir un certificat de nationalité malgré les lois en vigueur. Dans un contexte où l’état-civil est souvent défaillant, il y a lieu de s'interroger si le garde des Sceaux a vraiment les moyens de mettre en œuvre cette politique de manière efficace et transparente.

La nouvelle procédure pourrait allonger les délais et compliquer l'accès au certificat de nationalité, créant ainsi un nouveau palier de bureaucratie susceptible d'encourager la corruption. C’est la thèse principale des détracteurs. Il y a aussi la crainte que cette vérification préalable par l’Agence nationale de renseignement (ANR) et la Direction générale de migration (DGM) instaure une sorte de « gestapo », avec un contrôle excessif et arbitraire pouvant être détourné pour des règlements de comptes politiques et personnels. Ce qui ferait écho à l’opération d’identification des Zaïrois sous Mobutu qui visait à exclure de la nationalité certaines communautés de l’Est. D’autant qu’il n’est pas évident aujourd’hui de savoir si l’ANR et la DGM disposent des capacités techniques pour mener ces vérifications de manière efficace, sans tomber dans le piège des biais contre les Congolais ayant des noms à consonance rwandophone. 

Dans tous les cas, les citoyens ordinaires pourraient être les plus affectés, tandis que les élites continueraient à profiter du système. Pourtant, dans le cadre du déploiement de l’outil d'aide au vote Keba!, Ebuteli avait interrogé 11 des 26 candidats initiaux à la présidentielle de décembre 2023. Parmi eux, huit, soit 73 %, y compris Félix Tshisekedi, alors candidat président, étaient opposés à l'idée similaire d'instaurer une commission de vérification de la nationalité congolaise. Certains avaient évoqué des risques d'arbitraire et de corruption, soulignant que l'état-civil en RDC est quasi-inexistant. D’autres avaient estimé qu'il serait plus judicieux de renforcer les structures existantes.

Et si le problème résidait ailleurs ? Plutôt que d'introduire de nouvelles complications bureaucratiques, peut-être faudrait-il mettre l'accent sur la transparence et l'efficacité des procédures existantes. Pourquoi ceux qui ont acquis une nationalité étrangère continuent-ils de se prévaloir de la nationalité congolaise ? Cette faille du système actuel peut être illustrée par de nombreux cas de renonciation à une nationalité étrangère n'intervenant qu'après une nomination à un poste de responsabilité.

En tout cas, cette note circulaire du ministre Constant Mutamba remet en lumière la complexité de la question de la nationalité en RDC. C’est pourquoi, avant de mettre en œuvre une telle mesure, il eut été nécessaire d’analyser et d’évaluer froidement son impact sur la sécurité, l'administration publique et la vie des citoyens ordinaires. Il est tout aussi important de réfléchir à des réformes pour clarifier le cadre de la nationalité. Cette réflexion doit veiller à éviter tout risque de dérive autoritaire ou de répression politique.

En attendant, vous pouvez rejoindre notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone. Merci pour votre attention. À bientôt !

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