Accord de Washington : au-delà du show, qu’en restera-t-il ?
Le jeudi 4 décembre, alors que les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame étaient à Washington pour confirmer l’accord de paix et discuter d’investissements dans la région des Grands Lacs, les combats faisaient encore rage autour de Kamanyola à la frontière entre les deux pays.
Ceci illustre le paradoxe de la cérémonie, en présence de Donald Trump : plus de cinq mois après la signature de l’accord de paix par les ministres des Affaires étrangères, il peine toujours à produire des effets tangibles dans l’est de la RDC. Faut-il, malgré tout, espérer une amélioration ces prochains mois ?
Bonjour et bienvenu dans le 48e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, la capsule audio qui décrypte l’actualité de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, directeur du pilier violence à l’institut Ebuteli, et cette semaine, nous nous intéressons à l’accord de Washington.
Il a donc enfin été confirmé par les présidents congolais et rwandais en personne. Au-delà du texte principal, un Cadre d’intégration économique régionale a été signé, ainsi que trois accords bilatéraux avec les États-Unis, surtout économiques. Tout ceci porte la marque de la diplomatie du président américain : beaucoup de vanité et cette idée que des deals économiques pourraient régler les conflits.
La qualité de l’assistance – pas moins de six chefs d’État présents – a démontré que, dans la région, on ne pouvait ni refuser des opportunités d’investissements américains, ni contrarier le président américain. Mais réunir des chefs d’Etat lors d’une cérémonie et résoudre leurs conflits sont deux choses différentes. Les présidents Congolais et Rwandais, qui ne se sont pas serrés la main, ni même regardés, devant les caméras, ont été plus mesurés sur les chances de succès, insistant sur le chemin qu’il reste à parcourir.
Une paix durable demanderait, sans doute, un processus plus vaste, un suivi exigeant du respect des engagements et des pressions américaines intenses. De ce point de vue, les cinq derniers mois n’ont pas été très rassurants. L’implication américaine dans cette crise depuis mars a sans doute évité qu’elle n’aille encore plus loin. Mais depuis, l’accord de Washington, signé par les ministres des Affaires étrangères en juin, n’a connu qu’une mise en œuvre préliminaire, sans que ses principales mesures – la « neutralisation » des rebelles hutu rwandais FDLR, et le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais - n’aient été mises en œuvre à ce stade.
Le processus de Doha, qui réunit le gouvernement congolais et les rebelles du Mouvement du 23 mars, soutenus par Kigali, n’a guère connu plus de succès. Malgré la signature d’un accord cadre, le 15 novembre, les progrès concrets sont rares et c’est même à une escalade des combats que l’on assiste depuis au moins le mois d’octobre. Ces derniers jours, des affrontements intenses, impliquant à la fois le M23, les miliciens Wazalendo, des drones des FARDC et probablement les armées burundaises et rwandaises, se sont déroulés au nord de la ville d’Uvira, faisant craindre une reprise des offensives majeures.
Du côté du gouvernement congolais, on semble toujours espérer que Trump fasse pression sur Kagamé pour qu’il retire ses troupes de l’est du pays. Pour cela, la RDC dispose d’un atout de poids : les immenses richesses de son sous-sol. Selon ce scénario, des investissements américains d’ampleur seraient réalisés en RDC et, en conséquence, Washington pèserait de tout son poids pour résoudre les risques sécuritaires.
Pour la partie investissement, des avancées ont été réalisées à Washington, avec la signature de l’Accord de partenariat stratégique entre les Etats-Unis et la RDC. La RDC s’y engage à donner un accès prioritaire à ses ressources clés aux entités américaines, des avantages fiscaux, et à réformer ses lois pour améliorer le climat des affaires.
Du côté des contre-parties sécuritaires, c’est moins clair : à l’heure où nous enregistrons, le texte sur le partenariat élargi en matière de sécurité n’a pas été rendu public. Mais il sera sans doute insuffisant pour faire évoluer les rapports de force sur le front. Par ailleurs, les Etats-Unis ont signé un accord cadre pour une prospérité économique partagée avec le Rwanda, qui n’a pas non plus été rendu public à cette heure. Mais cela n’augure pas nécessairement de pressions importantes de Washington sur Kigali.
Quoiqu’il en soit, le gouvernement congolais a tout intérêt à faire des efforts plus importants pour améliorer le climat des affaires. Que cela amène la paix ou non. Que cela attire des entreprises américaines ou non. Dans tous les cas, cela favoriserait au moins le développement économique, la prospérité de tous les Congolais, et la puissance du pays, condition nécessaire, avec la réforme du secteur de la sécurité, pour qu’il se fasse respecter par tous ses voisins.
Il n’y a pas de doute que la communauté internationale devrait faire plus et mieux pour condamner toute agression de la RDC. Mais si puissants soient ses parrains étrangers, les solutions durables aux problèmes de la RDC devront venir aussi de l’intérieur.
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