Accord de Washington entre la RDC et le Rwanda : paix sur papier, flou sur le terrain
Après plus de trois ans de conflit entre la RDC et le M23, soutenu par le Rwanda, Kinshasa signe aujourd’hui un accord de paix avec Kigali, sous la médiation des États-Unis d’Amérique, à Washington DC. Une chose qui n’avait pas pu se concrétiser à travers la médiation angolaise en décembre dernier. Comment en sommes-nous arrivés là ? Et quels seront les éventuels obstacles à la mise en application de cet accord ?
Bonjour ! Vous écoutez le 25e numéro de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et d’Ebuteli, qui analyse chaque semaine un sujet d’actualité congolaise. Je suis Joshua Walker, directeur de programme du GEC. Nous sommes le vendredi 27 juin.
La signature d’un accord de paix par les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda à Washington DC est arrivée vite. Il y a quelques mois à peine, voir les deux pays côte à côte était inimaginable. En décembre dernier, alors que tout semblait être prêt pour la signature d’un accord de paix sous la médiation angolaise, à Luanda, entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, ce dernier avait fini par refuser de s’y rendre à la dernière minute, invoquant le refus de Kinshasa de dialoguer directement avec le M23.
S’en sont suivies la chute rapide de Goma et de Bukavu, en janvier et février respectivement : le Rwanda et le M23 (qu’il soutient) semblaient s’être décidés à profiter du vide créé par la transition entre l’administration Biden et celle de Trump pour avancer. En réponse à cette nouvelle crise, une lourde structure de négociation s’est constituée, rassemblant la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), et placée ensuite sous la tutelle de l’Union africaine (UA). Mais sur le terrain, cela ne semblait avoir aucun effet.
Puis, en mars et à la grande surprise de beaucoup d’observateurs, les deux chefs d’État se sont rencontrés à Doha, sous la médiation de l'émir du Qatar. Par la suite, ce sont les États-Unis qui sont entrés dans le jeu, à travers leur conseiller principal pour l’Afrique, Massad Boulos, le beau-père de la fille du président américain et homme d’affaires ayant travaillé au Nigéria. C’est surtout grâce à l’implication forte des États-Unis que le chemin d’un accord de paix semble avoir été balisé si vite : d’abord avec la signature d’une déclaration de principes fin avril par les deux pays, ensuite une déclaration conjointe le 18 juin, puis la signature proprement dite de l’accord aujourd’hui.
Mais la signature de l’accord n’est qu’un début. Sa mise en application déterminera son succès. L’exigence du retrait inconditionnel des troupes rwandaises du territoire congolais, posée initialement comme condition préalable à la signature de l’accord, semble avoir été abandonnée – une victoire, semble-t-il, pour la partie rwandaise. À la place, les parties se sont appuyées sur le concept d’opérations (CONOPS), validé dans le cadre du processus de Luanda en octobre 2024— la partie rwandaise aurait beaucoup insisté sur le CONOPS lors des négociations à Washington. Ce document prévoit des actions simultanées : la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) par les FARDC, et la levée des « mesures de défense » du Rwanda.
Mais pour mesurer l’efficacité de l’accord, le diable est dans les détails. Il n’est pas encore clair ce que recouvre la notion de « neutralisation des FDLR » par la partie congolaise, alors même que la majorité des éléments FDLR se trouvent aujourd’hui dans des zones contrôlées par le M23 et les troupes rwandaises. Si le Rwanda estime que cette « neutralisation » n’a pas eu lieu, est-ce que ce sera une raison qu’il avancera pour ne pas lever les mesures défensives—euphémisme maladroit qui signifie simplement le retrait des troupes rwandaises du sol congolais ? Et vice versa pour la partie congolaise.
Pour que les engagements de l’accord soient respectés et qu’un début de paix s’installe dans l’est de la RDC , il faudra que le médiateur américain s’impose, notamment en prévoyant des conséquences tangibles sur les différentes parties en cas de non-respect des engagements. Mais encore faut-il que Washington soit prêt à exercer une telle pression, ce qui est loin d’être acquis. Beaucoup s’interrogent déjà sur la rapidité avec laquelle les États-Unis ont abandonné leur exigence initiale de retrait préalable des troupes rwandaises du territoire congolais, probablement pour conclure vite l’accord. Il devra néanmoins amener les deux parties à s’entendre clairement sur ce que signifient en pratique « neutralisation des FDLR » et « levée des mesures défensives ».
En l’absence d’une telle clarté et d’une forte pression des États-Unis et des autres partenaires, la signature de cet accord risque de devenir un acte symbolique, qui ne sera pas en mesure de commencer à ramener la paix. Beaucoup de questions pour y parvenir demeurent : que deviendra le M23 ? Quel rôle jouera la Monusco ? Et que signifie la signature de cet accord pour les autres processus, notamment de Doha et de l’Union africaine ?
Visiblement, dans la meilleure des conditions, cet accord ne sera qu’un début. En attendant, vous pouvez recevoir Po Na Biso chaque semaine dans votre téléphone en écrivant GEC ou Ebuteli au +243 894 110 542. À bientôt !
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