Dix ans après, les massacres des civils par les ADF se poursuivent
À l’occasion du dixième anniversaire des massacres perpétrés par les Allied Democratic Forces (ADF), la société civile dresse un bilan tragique : plus de 17 000 civils tués depuis le 2 octobre 2014. Au début, les massacres étaient principalement concentrés sur le territoire de Beni, précisément dans le secteur de Rwenzori, Beni Mbau et, dans une certaine mesure, à Watalinga. Aujourd'hui plusieurs autres régions sont touchées. En plus de Beni, les ADF tuent à Lubero, au Nord-Kivu, Irumu et Mambasa, en Ituri, et pour la première fois un incident a été documenté à Bafwasende dans la province de la Tshopo.
Entretemps, plusieurs opérations ont été lancées pour combattre les ADF. Mais pourquoi les massacres persistent-ils
Bonjour,
Je suis Reagan Miviri, analyste des conflits armés à Ebuteli. Vous écoutez le 40e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), centre de recherche indépendant basé à l’Université de New York. Chaque semaine, ce podcast vous offre notre point de vue sur une question d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 11 octobre 2024.
Le début du problème remonte aux années 90, après la chute d'Idi Amin Dada en Ouganda. Mobutu avait alors accueilli des opposants au nouveau régime et certains éléments de l'armée déchue d'Amin, espérant les utiliser contre l’Ouganda, qui menaçait son régime en alliance avec l'AFDL. À l'époque les rebelles ougandais étaient plus une menace contre l'Ouganda où ils commettaient des attentats que pour la RDC où on n'enregistre que des enlèvements. Certains d'entre eux ont ensuite profité d'une loi d'amnistie pour retourner en Ouganda en 2008. Mais d'autres sont restés en RDC et ont continué à mener des activités agricoles dans des zones reculées comme le parc de Virunga en territoire de Beni.
En 2010, ils vont effectuer plusieurs enlèvements, pillages et incendies des maisons, puis en décembre 2013, ils vont tuer au moins 40 civils à Kamango. En réaction, l'armée va lancer les opérations Sokola 1 en janvier 2014. Malgré que ces opérations ont été lancé dans un contexte difficile notamment avec l’assassinat du général Mamadou Ndala, celles-ci vont connaitre des succès avec plusieurs bastions detruits et plusieurs combattants neutralisés. Toutefois, quelques mois après, il a été constaté un relâchement après la mort du commandant : le général Bahuma Ambamba. Certains considéraient que les ADF étaient déjà vaincues.
En octobre 2014, les ADF sont devenues virulentes avec des massacres réguliers et systématiques des civils. Alors qu’au début, c'était une sorte de guerre classique. Le mode opératoire des ADF va évoluer. Face à une sorte de guérilla, les opérations vont avoir du mal à venir à bout de cette menace qui a désormais une dimension terroriste et djihadiste. Sans évaluation, l'armée va multiplier des changements de commandement qui ne vont pas améliorer les performances sur le terrain. Entretemps, les relations civilo-militaires vont se dégrader : l'armée accusant les civils d'être en complicité avec les ADF et la population accusant les FARDC d'être auteurs des massacres.
Depuis novembre 2021, à la suite des attentats sur son sol, l’Ouganda s’est joint à l'armée congolaise pour combattre les ADF dans le cadre des opérations Shujaa. Celles-ci se poursuivent mais les bombardements ougandais ne sont pas toujours accompagnés par des opérations de ratissage, ce qui favorise des glissements vers d’autres zones. Lubero qui jusqu’à récemment était épargné, est devenu l'épicentre de ces massacres.
La crise du M23 a aussi eu des conséquences sur la lutte contre les ADF. Alors que les ADF continueraient à recruter en Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie, Kenya et même au Mozambique. La coopération régionale est essentielle, surtout en matière de renseignement mais la méfiance actuelle consécutive à la crise M23 ne permet pas une coopération effective. En plus, les efforts gouvernementaux ont été concentrés sur la lutte contre le M23. Plusieurs positions ont été dégarnies à Beni pour renvoyer les troupes sur les fronts contre le M23.
Plusieurs acteurs poussent pour une approche globale qui mettrait un accent sur la protection des civils. En plus des opérations militaires adaptées à cette guerre asymétrique, il faudra améliorer les relations civilo-militaires, prendre en charge les populations affectées et surtout restaurer la présence de l’État par l’amélioration de la gouvernance locale.
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