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L’Ouganda, envahissant allié de la RDC

L’Ouganda, envahissant allié de la RDC

Jul 11, 2025
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Le dimanche 7 juillet dernier, les soldats ougandais de l’opération Shujaa ont lancé une offensive ciblant une base des Forces démocratiques alliées (ADF) sur le territoire d’Irumu, en Ituri. Sera-t-elle décisive ? Cela n’est pas certain. L’artillerie ougandaise a en réalité détruit à plusieurs reprises le quartier général de ce groupe depuis le début de l’opération en 2021. Mais faute de présence au sol, des combattants et dépendants ont chaque fois survécu, pour aller installer une nouvelle base plus profondément dans le territoire congolais.  Il reste à voir s’il en ira différemment cette fois. Mais malgré ce bilan mitigé de l’opération Shujaa, l’armée ougandaise n’a en tout cas pas cessé d’étendre sa zone d’opération dans l’est de la RDC ces derniers mois, y compris à des zones dépourvues d’ADF, et sans l’accord du gouvernement de Kinshasa. Quels sont ses objectifs ? Pourquoi ce laissez-faire de la part des autorités congolaises ? La RDC est-elle gagnante, dans cette relation ?

Bonjour et bienvenu dans le 27e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, directeur du pilier violence à l’institut Ebuteli. Et cette semaine nous nous intéressons à la présence ougandaise dans l’est de la RDC.

Selon le groupe d'experts de l’ONU sur la RDC, l’armée ougandaise a doublé ses effectifs présents sur le sol congolais depuis le début de l’année, pour atteindre 6000 hommes. C’est autant que le nombre de troupes rwandaises au plus fort de leur offensive contre Goma et Bukavu, en début d’année. La zone d’opération ougandaise s’est aussi étendue, malgré les réticences de Kinshasa, aux territoires de Djugu et Mahagi, si bien qu’elle s’étend désormais sur près de 400 kilomètres.

Débordé par l’armée rwandaise et le Mouvement du 23 mars (M23), le gouvernement congolais n’a pas pu s’opposer à cette expansion de l’armée ougandaise. Et ce malgré les propos agressifs à l’égard de la RDC et certains de ses dirigeants par son chef, le fils du président ougandais Muhoozi Kainerugaba. 

Le protocole d’entente signé entre les deux gouvernements à Kinshasa, le 20 juin dernier, est donc davantage une régularisation de ce qui avait été déjà fait qu’un accord librement consenti. Son contenu exact a d’ailleurs été gardé secret, même si on sait qu’il autorise l’arrivée de l’armée ougandaise sur un nouveau territoire, celui d’Aru.

Alors, quel objectif l’Ouganda poursuit-elle au travers de cette présence ?

Il est indéniable que les Ougandais ont ciblé les ADF, un groupe extrêmement meurtrier pour les civils. Plusieurs de ses commandants ont été tués depuis 2021 et ses capacités ont été amoindries. Toutefois, ces opérations ont priorisé les zones frontalières et les grands axes routiers en réfection, permettant à l’Ouganda d’empêcher d’éventuelles représailles sur son sol et de favoriser les échanges commerciaux. Cette stratégie a bénéficié aux communautés de ces zones, de même qu’à l’activité économique. Mais les ADF se sont repliées plus loin de la frontière, comme dans le Nord-Ouest du territoire de Lubero, où elles ont continué de commettre des massacres sans rencontrer de réelle résistance.

Les Ougandais ont aussi pris position à Lubero-centre, ce qui a permis de faire tampon à la progression de l’armée rwandaise et du M23 vers sa zone d’influence en RDC. Enfin, comme nous l’avons vu, l’armée ougandaise s’est déployée sur les territoires de Djugu et Mahagi, en mettant en avant la menace du groupe armé Codeco. Ce groupe est effectivement l’un des plus meurtriers du pays, notamment pour la communauté Hema. Toutefois, les UPDF n’ont pas ciblé leurs principaux rivaux, les Zaïres, également responsables de violations des droits de l’homme. Surtout, elles se sont déployées à Mahagi-centre, un carrefour commercial peu concerné par la violence des groupes armés. On peut penser, là aussi, que la maîtrise des routes commerciales, a été un objectif crucial. Les experts de l’ONU relèvent ainsi que les postes frontières de Mahagi, et la route Butembo - Kasindi, où l’armée ougandaise est présente, sont des points clés de la contrebande d’or entre la RDC et l’Ouganda.

De façon plus subtile et moins agressive que le Rwanda, l’Ouganda a donc réussi à se déployer sur une vaste et riche partie de l’est de la RDC. Si cela a amélioré la sécurité de certaines communautés, ce déploiement remet aussi en cause à sa manière la souveraineté du gouvernement congolais sur son territoire. 

À Doha, au Qatar, des discussions ont actuellement lieu entre le gouvernement congolais et le M23 pour tenter de trouver une issue à la crise provoquée par ce groupe armé. Mais qu’elles qu’en soient le résultat, elles ne résoudront pas tout et d’autres problèmes continueront de se poser au gouvernement congolais. À commencer par celui de l’influence de l’Ouganda dans l’est de de la RDC.

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