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Mutamba ou les limites de la gouvernance par le discours

Mutamba ou les limites de la gouvernance par le discours

20 juin 2025
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Contraint à la démission par la Constitution après sa mise en accusation par l’Assemblée nationale, Constant Mutamba, ministre d’État, ministre de la Justice et Garde de sceaux de la République démocratique du Congo n’a eu d’autre choix que de quitter le gouvernement. Dans sa lettre de démission, dernier acte d’un bref passage au gouvernement, Mutamba se présente en victime des puissants prédateurs internes auxquels il a essayé de s’attaquer, et des agresseurs externes contre qui il a essayé, sans y arriver, à structurer une réplique judiciaire. Mais n’est-il qu’une victime ? 

Bonjour ! Je m’appelle Ange Makadi Ngoy. Je suis chercheuse à Ebuteli. Vous écoutez le 24e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Chaque semaine, ce podcast vous propose notre point de vue sur une question d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 20 juin 2025.

Après un an au gouvernement, des discours enflammés, et 103 communiqués, cet ancien Kabiliste converti en Tshisekediste quitte le gouvernement non sans avoir marqué les esprits. L’homme au discours réformateur contre une justice malade et des magistrats corrompus était surtout populiste dans ses actes. Mutamba part sans avoir accompli les réformes qui lui tenaient à cœur. Sa nouvelle politique de réforme de la justice n’est pas encore mise en oeuvre et est déjà contestée à l’interne; les conclusions des états généraux qu’il a organisé n’ont jamais été publiées faute de consensus, le projet de loi sur un parquet financier, sa grande innovation, traîne encore dans les couloirs du Parlement et sa réforme du système carcéral s’est soldée par des libérations massives dans l’illégalité, selon le Conseil supérieur de la magistrature. Ses intentions de réformes, puisque c’est surtout de cela qu’il s’agit, pourraient ne pas lui survivre. 

Cependant, son populisme a dans un premier temps marché, le propulsant parmi les ministres les plus populaires du gouvernement; et aux yeux d’une partie de la population, en un porte-voix d’une demande de changement face à un système de prédation. Mais poussée à l’extrême, sans méthode, c’est ce même populisme – au sujet de la peine de mort, de la saisie des biens des personnes non encore condamnées, son rôle dans les émeutes de janvier 2025 à Kinshasa – et un certain mépris de la règle de droit qui a fini par avoir raison de son mandat au gouvernement. 

Constant Mutamba est accusé de tentative de détournement de 19 millions de dollars du fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO) en signant un contrat avec une entreprise sans expérience et cela,  en violation des règles de passation de marché public. Les preuves sont accablantes, indique le procureur. L’homme s’en défend : il a suivi la procédure, la bureaucratie n’était que formalité, lui aurait-on dit à la direction de contrôle des marchés publics. Et puis, l’argent est encore dans le compte de la compagnie. Mais qui peut le sauver ? Ses collègues au gouvernement l’ont vite lâché, et l’Assemblée n’a pas essayé de le sauver. Et le parquet, tel un lion qui s’apprête à dévorer son gibier, lui demande de rester serein.

Mais s’il se trouve isolé et si la plupart de ses réformes ne sont restées que des annonces, c’est aussi parce que Mutamba a réussi à se mettre à dos toutes les parties prenantes aussi bien au sein de la classe politique, de l’administration de la justice, mais aussi une partie de la société civile. Ses tensions avec la Première ministre lui ont couté la solidarité gouvernementale ; son bras de fer avec le parquet va se transformer en une cabale judiciaire contre lui ; sa facilité à promettre la peine de mort à des voix critiques et même aux journalistes lui ont couté la sympathie de la société civile ; et son manque de rigueur dans la gestion a ouvert la voie à sa mise en accusation. Réformateur, s’il l’était, il a échoué à construire une coalition nécessaire pour accompagner ses réformes. Populiste, il n’a pas su cerner les limites de ses provocations. Comme on dit : « tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. »

Pour l’instant, seule la justice, dont il présidait l’administration, et qu’il sait malade, va juger de son sort. 


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