Accord de Washington : retour à la formule « minerais contre paix » en RDC
Le 27 juin, la République démocratique du Congo et le Rwanda ont signé un accord de paix à Washington, sous l’égide des États-Unis d’Amérique. Contrairement aux attentes d’une large partie de l’opinion congolaise, ce texte n’exige pas explicitement le retrait immédiat des forces rwandaises dans l’est du pays. L’agressé et l’agresseur sont traités sur un pied d’égalité, sans tenir compte du nombre impressionnant des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants enregistrés au Nord et au Sud Kivu. « L’une des pires guerres jamais vues », comme l’a déclaré le président américain Donald Trump, peut-elle se solder notamment par la formule « minerais contre paix » ?
Bonjour ! Je m’appelle Jolino Malukisa. Je suis directeur du pilier gouvernance d'Ebuteli. Vous écoutez le 26e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Ce podcast analyse chaque semaine un sujet de l’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 4 juillet 2025.
Historiquement parlant, la formule « minerais contre paix » n’est pas nouvelle. Le Rwanda, voisin de la RDC, affiche clairement son ambition de devenir un hub régional de transformation minière, alors que ses ressources dans ce domaine sont limitées. En 2009 déjà, le président français Nicolas Sarkozy proposait une forme de partage de l’espace et des richesses entre la RDC et le Rwanda, au nom de la démographie dynamique de ce pays et à de sa petite superficie.
Dès le début de son premier mandat en 2019, le président Félix Tshisekedi était également proche de l’idée d’une coopération sur les ressources minières presque dans la même perspective, en ouvrant à certaines entreprises rwandaises les opportunités d’exploitation des minerais du grand Kivu notamment celles de la SAKIMA.
Quelle analyse faire de cette vieille formule recyclée par les États-Unis d’Amérique ? Dans la diaspora congolaise, à Kinshasa et sur l’ensemble du territoire national, l’accord signé à Washington continue de défrayer la chronique. Pour beaucoup, les ressources naturelles de la RDC devraient avant tout profiter aux Congolais. Or, cet accord alimente la crainte d’un nouveau scénario de captation externe, où la paix serait négociée contre une ouverture économique dont les bénéfices échapperaient encore aux Congolais.
Contrairement à la RDC, le Rwanda s’est mieux préparé pour tirer profit de ce deal. En plus de son climat des affaires jugé favorable, ce pays qui veut devenir la plaque tournante de la transformation des minerais de la sous-région a signé un accord avec le géant minier Rio Tinto. Les entreprises américaines vont probablement s’installer au Rwanda pour transformer les minerais critiques de la RDC, lesquels intéressent davantage les États-Unis dans le contexte actuel de la transition énergétique. De ce point de vue, la valeur ajoutée pourrait se concentrer au Rwanda, aux États-Unis et non en RDC.
Il faut reconnaître aussi que l’intérêt renouvelé des États-Unis pour les minerais stratégiques congolais s’inscrit dans un contexte global. En compétition avec la Chine, les entreprises américaines qui avaient quitté la RDC veulent y revenir pour ces minerais critiques.
Au-delà des craintes que soulève cet accord dans l’opinion congolaise, les opportunités d’investissement même dans le secteur extractif apportent une contribution à la croissance et au développement économique. Il revient donc aux dirigeants congolais de mettre en œuvre des politiques économiques devant assurer la compétitivité de l’économie nationale pour attirer les investisseurs de tous les horizons, surtout que les États-Unis ne s’intéressent qu’aux minerais critiques.
À l'instar de tout accord, la volonté des parties constitue une condition sine qua none pour aller de l’avant. Sans une pression constante des États-Unis pour le retrait des militaires rwandais du sol congolais et la fin de la rébellion de l’AFC/M23 dans un meilleur délai, les frustrations des Congolais vont s’accentuer, les populations et les groupes armés locaux risquent de s’opposer aux investissements américains au Kivu.
Enfin, l’accord de Washington se focalise seulement sur la RDC et le Rwanda, ignorant les intérêts économiques et politiques vitaux des autres pays comme le Burundi et l’Ouganda. Ces deux autres pays voisins peuvent aussi avoir peur des ambitions du Rwanda de devenir la plaque tournante des minerais, au regard des tensions qui persistent dans la région.
Quoi qu’il en soit, il revient aux Congolais de tirer les leçons de la perte de leur leadership depuis les années 90 et de trouver des alternatives pour la restauration de l’autorité de l’État, l’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires sans lesquelles la RDC ne pourra tirer profit du contrat minerais contre paix.
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