Braquage de la Rawbank à Kinshasa : une intervention, mille défaillances
Le jeudi 16 octobre, Kinshasa s’est figée. La place Victoire, habituellement bouillante et animée, s’est transformée en théâtre d’un désordre inédit. Une tentative de braquage à l’agence Rawbank a suffi pour paralyser l’un des points chauds de la capitale : tirs nourris, cris, circulation bloquée, véhicules blindés, militaires et policiers déployés dans la panique. En quelques minutes, ce lieu emblématique a sombré dans le chaos, exposant les failles sécuritaires où la précipitation tient lieu de stratégie. Mais que retenir d’un tel événement ? Plus que le braquage lui-même, c’est la manière dont l'intervention a été menée qui interroge.
Bonjour ! Je m’appelle Prisca Helali, je suis fellow à Ebuteli. Vous écoutez le 42e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Ce podcast analyse chaque semaine un sujet d’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 24 octobre 2025.
Ce jour-là, on a observé un déploiement spectaculaire de la police et de l’armée, mais sans coordination claire au niveau communicationnel. Le plus troublant, c’est la disproportion de la réponse de l’État. Un déploiement massif, des véhicules blindés, des autorités sur le terrain, une présence médiatique inhabituelle. Faut-il qu’une agence de banque soit menacée pour que les forces de sécurité se mobilisent ainsi ?
Chaque semaine, des braquages et des agressions frappent la population sans provoquer un tel élan. Ce déséquilibre des priorités questionne : la sécurité du citoyen ordinaire pèserait-elle moins que celle d’une institution financière ? Cette différence de traitement renforce un sentiment d’abandon et fragilise encore la confiance entre l’État et ses citoyens.
Au cœur de cet incident, un visage a capté l’attention du public. Honorine Porsche, citoyenne allemande d’origine congolaise, arrêtée pour sa participation présumée au braquage. Mais ce qui a choqué, ce ne sont pas les faits criminels, mais le traitement qui lui a été infligé lors de son arrestation. Dénudée, frappée, filmée et exposée sur les réseaux sociaux par des militaires censés représenter l’autorité de l’État. Les images, insoutenables, ont montré une violence gratuite, où la loi a laissé place à l’humiliation envers une personne présumée braqueuse et qui ne représentait plus de danger. La police a été reléguée au second plan pour une matière qui relève avant tout de sa compétence.
Les réactions officielles ne se sont pas fait attendre. La présidence, le gouvernement, l’ambassade de l’Allemagne, la CNDH, les voix influentes, tous ont unanimement condamné ces actes. Les militaires impliqués ont d’ailleurs été arrêtés et sont actuellement en train d’être jugés.
Lors du procès, l’un des militaires interpellés a reconnu avoir filmé la scène « pour usage personnel », avant que sa « hiérarchie » ne lui ordonne de la publier. Une révélation qui montre que la faute ne se limite pas à des individus isolés, mais révèle une complicité hiérarchique et un système qui banalise les notions basiques de droits d’un présumé coupable.
Comment de tels comportements persistent-ils dans des corps pourtant formés à la discipline et au respect des droits humains ? Ces faits traduisent un double échec: celui de la formation, et celui du contrôle interne de nos services de sécurité. En même temps, ils relance le débat sur la réforme des services de sécurité en RDC.
Aujourd’hui, la question n’est plus seulement de punir les auteurs directs et indirects, mais plutôt de bâtir une police et une armée professionnelles. Il revient aux dirigeants du pays d’adopter une nouvelle approche, comment prévenir plutôt que réagir, et surtout, comment redonner du sens à la sécurité publique qui ne doit jamais se faire au prix de la dignité humaine.
Le chaos de Victoire n’est pas un accident. C’est le symptôme d’une culture sécuritaire fragile, où la puissance prime sur la procédure et la réaction sur la réflexion. Et si Honorine Porsche doit répondre de ses actes, l’État, lui, doit répondre de son mode de gestion des crises
Tant que les agents de l’ordre et les militaires continueront de confondre justice et humiliation, la sécurité restera une illusion.
Protéger, c’est garantir le respect de la loi, et non inspirer la peur. Et restaurer la confiance, c’est d’abord restaurer la dignité humaine même face au crime.
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