RDC : controverses autour de l’appréciation du franc congolais
Depuis septembre, le franc congolais s’est fortement apprécié face au dollar américain, passant d’un taux de 2 800 FC pour 1 USD à 2 400, voire 2 350 FC. Cependant, cette appréciation ne se traduit pas, ou très peu, par un réajustement des prix sur le marché, ce qui soulève de nombreuses controverses. En même temps, le Comité de politique monétaire invite et encourage les opérateurs économiques à réaliser leurs transactions en franc congolais. Dans l’opinion, une question fondamentale se pose : pourquoi cette appréciation n’a-t-elle pas un impact significatif sur les prix des biens ?
Bonjour ! Je m’appelle Jolino Malukisa. Je suis directeur du pilier gouvernance d'Ebuteli. Vous écoutez le 40e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Ce podcast analyse chaque semaine un sujet de l’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 10 octobre 2025.
Depuis quelques jours, le gouvernement et la Banque centrale du Congo (BCC) tentent tour à tour d’expliquer les raisons de cette appréciation soudaine. Selon la BCC et les autorités gouvernementales, l’appréciation du franc congolais est le résultat d’une politique monétaire axée sur l’injection de 50 millions de dollars américains sur le marché des changes, et d’autres mesures d’accompagnement visant à réduire la masse monétaire des francs congolais en circulation, en agissant notamment sur les réserves obligatoires des banques commerciales.
Au-delà des raisons soutenues par les autorités monétaires et gouvernementales, l’appréciation du franc congolais s’explique aussi par le gel des dépenses publiques, y compris la rémunération irrégulière des fonctionnaires ou agents de l’État qui n’ont plus de date fixe de la paie. S’il faut payer tous les fonctionnaires le même jour, on redoute une forte augmentation de la masse monétaire qui va occasionner la dépréciation du franc congolais. Cette pratique aux conséquences sociales non désirables démontre les limites de la politique monétaire et des recettes publiques de l’État. Autrement dit : la stabilité monétaire s’achète aujourd’hui par le ralentissement des dépenses publiques.
Parallèlement, la Banque centrale du Congo a réduit son taux directeur qui est passé de 25 à 17,5 %. Ce qui va probablement inciter les banques commerciales à accroître les crédits à leurs clients. Cette évolution du taux directeur mérite d’être bien suivie car elle présente également le risque d’augmentation de la masse monétaire pouvant occasionner la dépréciation du franc congolais.
Toute chose restant égale par ailleurs, et en fonction de la loi de l’offre et de la demande, l’accroissement de la masse monétaire de dollars américains en circulation justifierait ainsi l’appréciation du franc congolais.
De tous les produits de consommation courante, le carburant est le premier à enregistrer une baisse remarquable. Dans la partie Ouest du pays, l’essence est passé de 2 990 à 2 690 francs congolais. En effet, lorsqu’il s’agit des produits pétroliers, le gouvernement dispose d’une grande marge de manœuvre car il a recours à la politique de subventions pour compenser le manque à gagner des opérateurs. Pour le reste des marchés, on observe une certaine rigidité qui peut s’expliquer par trois facteurs.
Premièrement, les opérateurs économiques manquent de confiance dans la pérennité de cette appréciation du franc congolais. Par prudence, ils n’ajustent pas immédiatement leurs prix à la baisse. D’ailleurs, la stabilité d’une monnaie dépend avant tout de la production domestique qui est très faible en RDC. L’extraversion de l’économie nationale la rend vulnérable à l’instabilité du taux de change.
Deuxièmement, les stocks de marchandises achetés avant l’appréciation du franc congolais ont un coût historique. Autrement dit, beaucoup de produits actuellement sur le marché proviennent de stocks anciens, achetés à des taux de change plus élevés. Une baisse de prix immédiate entraînerait des pertes ou réduirait la marge bénéficiaire des entreprises. Il faut donc attendre le renouvellement de leurs stocks importés pour prétendre à une réduction de prix sur le marché. En même temps, il existe quand même une production locale pour laquelle l’évolution du taux de change n’a aucun impact significatif.
Troisièmement, l’ampleur des importations accentue les besoins en devises étrangères des opérateurs économiques. Au moment où nous nous approchons des fêtes de fin d’année, ces opérateurs auront davantage besoin de dollars américains pour importer leurs marchandises, les réserves de change vont probablement diminuer, et le franc congolais pourrait connaître une dépréciation.
Aujourd’hui, l’amélioration du pouvoir d’achat figure parmi les engagements du président de la République et du gouvernement, mais pour y parvenir, il faut privilégier des politiques économiques et monétaires intégrées et durables. Les problèmes structurels appellent des solutions structurelles. La RDC a avant tout besoin de diversifier son économie, d’améliorer son climat des affaires, de mettre en œuvre des politiques pour attirer les investissements directs étrangers, mais aussi de promouvoir l’entrepreneuriat national et d’assurer une répartition équitable du revenu national. Seul ce dispositif pourra garantir à la fois la stabilité monétaire, la compétitivité de l’économie nationale et l’amélioration du pouvoir d’achat des Congolais qui figurent parmi les populations les plus pauvres de la planète.
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