Crise M23 : à quoi servent les cessez-le-feu ?
Depuis près de quatre ans, plusieurs processus de médiation ont été initiés pour tenter de trouver une issue à la crise du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo. Dans la plupart de ces initiatives, les acteurs internationaux et régionaux ont mis en avant la nécessité d’un cessez-le-feu entre les belligérants. De Luanda à Doha, accords et déclarations ont successivement appelé à l’arrêt des combats. Mais sur le terrain, la réalité est toute autre et les affrontements se poursuivent. Quelle est la pertinence de ces cessez-le-feu ?
Bonjour ! Vous écoutez le 43e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, la capsule audio du Groupe d’études sur le Congo (GEC) et d’Ebuteli qui analyse chaque semaine un sujet d’actualité congolaise. Je suis Ildefonse Bwakyanakazi, data manager du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST) à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 31 octobre 2025.
Le premier accord a été signé à Luanda, en Angola, le 23 novembre 2022, à l’issue d’un mini-sommet réunissant les chefs d’État de la sous-région. Cet accord prévoyait l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu dès le 25 novembre 2022. Mais le M23, n’ayant pas été représenté lors de ce sommet, a déclaré ne pas être concerné par l’accord, et les affrontements ont continué. Cette exclusion illustre un des problèmes récurrents : la difficulté d’obtenir l’adhésion de tous les acteurs armés, surtout lorsque certains ne se reconnaissent pas dans les mécanismes de médiation mis en place.
D’autres accords de cessation des hostilités ont été signés par la suite mais, sur le terrain, les combats ont souvent perduré. Le dernier accord en date est celui issu du processus de Doha, où le gouvernement congolais et le M23 se sont engagés à observer un cessez-le-feu. Sur le papier, toutes les parties affirmaient se conformer à cet engagement. Dans les faits, cependant, de nombreux affrontements ont été signalés, notamment entre le M23 et les Wazalendo, des milices pro-gouvernementales. Les Wazalendo, qui n’étaient pas signataires de l’accord, ont déclaré ne pas se sentir liés par ce cessez-le-feu, malgré leur collaboration opérationnelle avec les forces armées de la RDC (FARDC). Le porte-parole de l’armée loyaliste a pour sa part précisé que ces milices ne dépendent pas du commandement de l’armée nationale, rendant ainsi plus floue la chaîne de responsabilité et de commandement sur le terrain.
Depuis le début d’octobre, les opérations aériennes et l’utilisation de drones par les FARDC pour cibler des positions du M23 au Nord-Kivu et au Sud-Kivu se sont intensifiées, et le M23 a affirmé être prêt à répondre à ces attaques. Dans son  communiqué, le M23 fait comme s’il avait respecté pour sa part le cessez-le-feu, mais en réalité, il est activement impliqué dans les opérations militaires sur le terrain. Ces dynamiques soulignent la réalité souvent observée dans cette crise : des périodes d’accalmie relativement brèves, exploitées par les belligérants pour renforcer, ravitailler et repositionner leurs forces plutôt que pour engager une désescalade durable. Ainsi, au lieu d’être des instruments de stabilisation, ces accords ont parfois servi à redéployer des capacités militaires, ce qui remet en cause leur efficacité et leur pertinence.
Un défi majeur pour l’application réelle des cessez-le-feu reste l’instauration d’un mécanisme de vérification opérationnel et crédible sur le terrain. Le 14 octobre, à Doha, le gouvernement congolais et le M23 ont signé un mécanisme conjoint de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, facilité par le Qatar et soutenu par les États-Unis et l’Union africaine. Ces parrains de l’accord  doivent participer en tant qu’observateurs à ce mécanisme. Toutefois, l’enjeu principal demeure sa mise en œuvre effective : il faut des équipes suffisamment nombreuses et neutres, des règles claires d’intervention et des moyens logistiques pour accéder à des zones parfois isolées ou dangereuses. Sans cela, le mécanisme risque de rester symbolique et d’avoir peu d’impact sur la réalité des combats.
Au-delà de la vérification, la pertinence des cessez-le-feu dépend aussi de la capacité des médiateurs à inclure tous les acteurs concernés, y compris les milices locales dites des Wazalendo.
En attendant, vous pouvez recevoir Po Na Biso chaque semaine sur votre téléphone en écrivant GEC ou Ebuteli au +243 894 110 542. À bientôt ! 
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