Expansion de l’armée ougandaise dans l’est de la RDC : pour quoi faire ?
Les militaires ougandais, ou UPDF, se trouvent sur le territoire congolais depuis le 30 novembre 2021 dans le cadre de l’opération militaire conjointe Shujaa pour la traque et la neutralisation des Forces démocratiques alliées ou ADF. Cette opération militaire est censée couvrir les zones où sévissent ces rebelles dont les territoires de Beni, Irumu, Mambasa et une partie du territoire de Lubero. Mais depuis le début de l’année, l’armée ougandaise a étendu sa zone d’opération au-delà de ce qui est nécessaire pour traquer les ADF.
Pourquoi les UPDF mènent-ils cette expansion ?
Bonjour !
Je suis Ildefonse Bwakyanakazi, Data manager pour le Baromètre sécuritaire du Kivu. Vous écoutez le huitième épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Chaque semaine, ce podcast vous apporte notre analyse sur un sujet d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 28 février 2025.
Tout commence par la demande des UPDF d’étendre la zone d’intervention et la durée de l’opération Shujaa lors de la réunion d’évaluation de cette opération tenue du 10 au 11 octobre 2024. La partie congolaise n’avait pas accédé à la demande de la partie ougandaise.
Mais à la suite de l’avancée des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) dans le grand nord de la province du Nord-Kivu, les militaires UPDF ont pris l’initiative d’installer une base importante dans la commune de Lubero, chef-lieu du territoire du même nom. Selon certaines sources, cette projection visait, non plus à lutter contre les ADF, mais à dissuader l’avancée du M23 vers la ville commerciale de Butembo.
Plus tard, le 15 février 2025, le Chef d’état major de l’armée ougandaise et fils du président, Muhoozi Kainerugaba publie un tweet donnant « exactement 24 heures à toutes les forces de Bunia pour rendre leurs armes ! Si elles ne le font pas, nous les considérerons comme des ennemis et les attaquerons ». Ce tweet a été perçu comme un ultimatum donné aux forces armées congolaises de laisser entrer les militaires ougandais dans le chef-lieu de la province de l’Ituri. Pour calmer la situation, et alors que l’armée congolaise, focalisée sur le M23, n’avait pas vraiment les moyens de s’y opposer, les officiers congolais et ougandais se sont rencontrés à trois reprises pour convenir de l’entrée des troupes ougandaises à Bunia, ce qui sera fait le 19 février. Le porte-parole de l’armée ougandaise a justifié cette avancée par la volonté de protéger la population congolaise contre tout groupe armé qui commet des atrocités contre elle. Ses propos ont tacitement fait référence à l’incident du 12 février au cours duquel des civils ont été tués par d’autres rebelles, ceux de la Codeco au village de Djaiba. Il ne s’agit en tout cas plus de lutter contre les ADF, qui n’ont à ce jour jamais frappé Bunia.
En outre, la communication des officiels ougandais continue d’entretenir une ambiguïté sur le mobile de la projection des bases des UPDF au-delà de la zone de l’opération Shujaa. Le 21 février, le président Yoweri Museveni a affirmé : « notre présence au Congo n’a [...] rien à voir avec la lutte contre les rebelles du M23. Dès le début, nous avons conseillé aux parties impliquées dans le conflit entre le gouvernement congolais et le M23 de mener des négociations. ». Cette publication, ainsi que le soutien apporté au M23 par l’armée ougandaise selon le groupe d’experts de l’ONU pour la RDC, pourraient-elle signifier que les militaires ougandais cohabiteraient avec les rebelles du M23 en cas de progression de ces derniers vers le Nord ?
Après avoir été initialement acceptée par Kinshasa pour lutter contre les ADF, la présence de l’armée ougandaise dans l’est de la RDC, semble devenir de plus en plus embarrassante pour le gouvernement congolais, qui ne semble plus avoir les moyens de la refuser.
Le gouvernement congolais devrait clarifier la nature et la suite de sa coopération avec le gouvernement ougandais afin de dissiper ces ambiguïtés. Le gouvernement congolais devrait également demander des explications à la partie ougandaise sur les liens qu’elle entretiendrait avec certains groupes armés à l’est de la RDC.
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