RDC : quelles leçons tirer de la campagne en vue du remaniement du gouvernement Suminwa ?
Plusieurs sources ont annoncé que lors du Conseil des ministres du 25 juillet, le président de la République aurait informé les membres du gouvernement de l’imminente sortie d’une nouvelle équipe gouvernementale, resserrée et d’ouverture. Depuis, les acteurs politiques et sociaux se sont activés par médias interposés et réseaux sociaux à expliquer les raisons pour lesquelles certains ministres devraient être ou non retenus au sein du gouvernement de la République ou pourquoi d’autres figures devraient l'intégrer.
Que révèle cette campagne médiatique qui a suscité indignations et moqueries à l’intérieur comme à l’extérieur du pays ?
Bonjour !
Je m’appelle Ithiel Batumike. Je suis chercheur à Ebuteli. Vous écoutez le 30e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d'étude sur le Congo (GEC). Chaque semaine, ce podcast vous présente notre opinion sur un sujet d’actualité en RDC. Nous sommes le vendredi 1er août 2025.
« Tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute » enseignait La Fontaine dans l’une de ses fables célèbres, Le Corbeau et le Renard. C’est cette leçon que les acteurs politiques ont tenté de mettre en pratique cette semaine à travers une campagne de séduction déployée dans les médias et les réseaux sociaux.
Bilan élogieux, soutien des communautés tribales, chapelet de bonnes intentions et des actions en cours pour les ministres jugés incontournables ou encore litanie des péchés des ministres à écarter, la semaine a été riche en exercice d’évaluation des membres de l’exécutif congolais.
Cet exercice, aux allures d’une campagne électorale, est malheureusement loin d'être une action de redevabilité envers le peuple mais une séduction du président de la République.
D’autant que ce n’est pas la première fois que les membres du gouvernement s’y adonnent. Au mois de février, par exemple, après la chute de Goma et de Bukavu, les ministres s’étaient bousculés à mobiliser la jeunesse pour l'enrôlement dans l’armée après que le président ait salué l’engagement de certains de leurs collègues sur cette question. Mais cette fois, cet activisme des ministres à travers les réseaux sociaux et médias interposés est dénoncé. De nombreux observateurs y voient un manque de respect pour le président de la République, autorité investie du pouvoir de nomination des ministres. Les ministres sont-ils en train de forcer sa main ? Ne sont-ils pas au courant qu’il dispose du Conseil présidentiel de veille stratégique au sein de son cabinet, chargé de suivre et d’évaluer la mise en œuvre de ses engagements repris dans le programme commun du gouvernement?
Mais au-delà de cette indignation, cette campagne rappelle la nécessité de l’évaluation de la gestion des affaires de l’État. En effet, pour pouvoir évaluer la réussite ou l’échec d’un ministre et ainsi justifier son sort, il est nécessaire de confronter son bilan aux objectifs et missions assignés à son secteur. Encore faut-il que ces missions soient clairement déterminées à l’avance.
Faute d’une ordonnance à jour fixant les attributions des ministères, les membres du gouvernement Suminwa ont été privés d’un outil susceptible d’éviter les chevauchements de compétences. Cela suppose, en outre, que les mécanismes de suivi-évaluation de l’action du gouvernement soient transparents et accessibles au public pour pouvoir clairement se faire une opinion réelle sur le travail réalisé. En juin 2024, le président de la République avait annoncé une évaluation trimestrielle des membres du gouvernement. Faisant suite à cette annonce, la Première ministre avait mis en place un outil d’évaluation en novembre 2024. À ce jour, aucun rapport n’a été rendu public à ce sujet. Il est donc difficile d’en connaître les résultats.
Ce folklore auquel on a assisté cette semaine est une pollution du débat public, qui ne permet pas aux citoyens d’apprécier à juste titre les progrès réalisés ou non par l’exécutif. Il renforce le populisme et individualise davantage le travail gouvernemental censé demeurer collégial bien que chacun des ministres soit responsable de son département. D’ailleurs, au cours de la réunion du conseil des ministres, tenue le 9 septembre 2024, le président Tshisekedi avait souligné que : « (...) l’action gouvernementale doit être coordonnée et ordonnée. L’individualisme n’est pas un atout, au contraire, nous payons tous les prix des dérapages populistes individuels ».
Cela suppose que le ministre ne devrait pas être jugé individuellement ? Pas nécessairement. Par contre, il est clair que le travail d’un ministre peut être entravé par plusieurs défis indépendamment de sa bonne volonté et de sa détermination. Certaines réalisations attendues de son secteur sont parfois tributaires de réformes devant être adoptées par le Parlement ou des arbitrages politiques de sa hiérarchie, la Première ministre et le président de la République, ou encore de la disponibilité des fonds publics.
Par ailleurs, il demeure essentiel que l’efficacité d’un ministre soit évaluée à l’aune non pas de son capital politique, mais de sa capacité à assumer avec succès les fonctions qu’il exerce. Il est plus qu’urgent que la gouvernance du pays soit axée sur la compétence et les résultats plutôt que de continuer à dépendre principalement de la capacité à séduire.
En espérant que le prochain gouvernement réponde à cette exigence de la gestion axée sur les résultats, envoyez « Ebuteli » ou « GEC » par WhatsApp au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt.
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