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Crise dans l’est de la RDC : que peut faire (encore) la médiation de l’UA ?

Crise dans l’est de la RDC : que peut faire (encore) la médiation de l’UA ?

Jul 18, 2025
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Cathérine Samba-Panza et Sahle-Work Zewde, co-facilitatrices de l’Union africaine, séjournent depuis le dimanche 13 juillet à Kinshasa, avant de se rendre dans la partie est du pays et à Nairobi, au Kenya. Objectif annoncé : « Écouter ». Mais pour quoi faire exactement ?

Bonjour,  

Je m’appelle Trésor Kibangula. Je coordonne les recherches sur la politique à Ebuteli. Vous écoutez le 28e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New York. Chaque semaine, nous vous proposons notre regard sur une actualité politique en RDC.

Nous sommes le vendredi 18 juillet 2025.

« Dans la méthodologie de travail qui nous a été indiquée par le médiateur, il s’agit de venir sur le terrain, dans une première phase à Kinshasa, pour écouter les autorités et l’ensemble des acteurs concernés par la crise dans l’est de la RDC. » Ce jeudi 17 juillet, dans une des salles de réunion du Fleuve Congo Hôtel, Cathérine Samba-Panza donne le ton. 

Devant une délégation de la société civile congolaise dont je faisais partie, l’ancienne présidente centrafricaine insiste : la mission vise avant tout à recueillir des « propositions » et des « stratégies de sortie de crise ». Quelques heures plus tôt, avec sa collègue éthiopienne Sahle-Work Zewde, elle a échangé avec Jean-Michel Sama Lukonde, président du Sénat. Dès lundi 14, elles avaient rencontré la Première ministre, Judith Suminwa. 

La mission se poursuivra, « mais pas dans la foulée », me confie une source proche du processus. Prochaine étape : l’est du pays et Nairobi, où les deux co-facilitatrices de l’UA espèrent rencontrer, entre autres, des acteurs d’autres pays impliqués dans la crise, ainsi que « des personnalités qui ne peuvent pas, peut-être, être sur place à Kinshasa ou dans les zones de conflit », glisse Catherine Samba-Panza. Faut-il y voir une allusion à des opposants en exil ? Très probablement.

En tout cas, dans sa « lettre de mission », aux côtés de quatre autres facilitateurs, la Centrafricaine dit s’être vue confier plusieurs questions : « société civile dans sa diversité (jeunes, femmes, confessions religieuses, chefs coutumiers, secteur privé), réconciliation nationale et cohésion sociale ».

Chacun des quatre autres co-facilitateurs africains a reçu également une mission précise.  

Sahle-Work Zewde s’occupe de la réponse humanitaire.  

Olusegun Obasanjo suit les questions militaires.  

Uhuru Kenyatta dialogue avec les groupes armés.  

Mokgweetsi Masisi travaille sur l’intégration économique.  

Cette architecture sophistiquée de la médiation africaine compte s’appuyer sur de nombreux partenaires, qu’ils soient régionaux (EAC, SADC, CIRGL) ou internationaux comme le Qatar, les États-Unis ou la Monusco.

À côté de la médiation africaine, d’autres processus continuent : les négociations entre la RDC et l’AFC/M23 sous la facilitation du  Qatar à Doha, le processus de Washington entre la RDC et le Rwanda, et l’initiative des églises catholique et protestante pour un « pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ».

Cette multiplication des médiations offre, au fond, la possibilité aux acteurs clés – y compris au sommet de l’État congolais ou rwandais – de gagner du temps ou de jouer sur plusieurs fronts en attendant un rapport de force favorable.

Alors, dans cet engrenage d’initiatives de médiation, quel rôle l’Union africaine entend-elle vraiment jouer ? Du côté des églises (CENCO et ECC), on avance l’idée d’une harmonisation. Selon ce scénario, la médiation africaine deviendrait garante du processus, apte à convoquer et superviser d’éventuels pourparlers au sein d’un cadre tripartite UA – État congolais – CENCO-ECC.

Un tel attelage est-il réaliste ? Il est encore trop tôt pour le dire. Toujours est-il que certains échos politiques et sociaux y sont favorables. Parmi les leaders de l’opposition par exemple, certaines personnalités verraient bien l’UA à la tête de la facilitation du dialogue en RDC, en travaillant de concert avec des médiateurs religieux qui maîtrisent les dynamiques congolaises. Mais encore faut-il que tous les acteurs s’entendent sur l’objet même du dialogue. La rencontre prévue ce vendredi entre les deux co-facilitatrices et les principales confessions religieuses congolaises pourrait permettre d’affiner quelques contours.

En tout cas, c’est sûrement à l’issue de sa série de consultations que le panel de facilitateurs de l’UA saura comment s’aligner. À ce moment-là, il devra « clarifier le mandat et les objectifs des co-facilitateurs, ainsi que la place du mécanisme UA vis-à-vis des processus parallèles (Washington, Doha), pour éviter les concurrences diplomatiques et les chevauchements d’agendas ». C’est l’une des demandes qui figurent dans un document de recommandations transmis par plusieurs organisations de la société civile congolaise.

En attendant, vous pouvez recevoir Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone via WhatsApp, en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542.

Rien ne sera possible sans un alignement minimum, non seulement entre les médiateurs africains eux-mêmes, mais aussi avec les partenaires régionaux, internationaux et surtout les voix congolaises. L’avenir du dialogue — et de la paix — en dépend.

À bientôt !

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« Po Na Biso »