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L’affaire Semlex illustre les dysfonctionnements des marchés publics en RDC

L’affaire Semlex illustre les dysfonctionnements des marchés publics en RDC

Oct 4, 2024
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Le 2 octobre, une enquête d’Actualité.CD et ses partenaires a révélé que, malgré un contrat expiré depuis 2020 et de nombreuses accusations de corruption, la société belge Semlex, via sa filiale congolaise Locosem, continue d’assurer la production des passeports en République démocratique du Congo (RDC). Cette affaire s’ajoute à une longue liste de contrats controversés et soulève des questions quant au respect des procédures de passation des marchés publics dans le pays.  

Bonjour, 

Je m’appelle Jacques Mukena. Je suis chercheur principal au pilier gouvernance à Ebuteli. Vous écoutez le 39e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), centre de recherche indépendant basé à l’Université de New York. Chaque semaine, ce podcast vous offre notre point de vue sur une question d’actualité en RDC.

Nous sommes le vendredi 4 octobre 2024.

En 2015, le gouvernement de la RDC a signé un contrat de plus de 200 millions de dollars avec Semlex, promettant de doter le pays d’autonomie dans l’impression de passeports biométriques en cinq ans. Cependant, non seulement la RDC n’a pas acquis cette autonomie, mais le contrat s’est révélé exorbitant pour les Congolais : le prix officiel du passeport était fixé à 185 dollars américains, l’un des plus chers d’Afrique. De plus, Semlex empochait 122 USD par passeport et reversait une partie des fonds à une entreprise liée à la famille de l’ancien président Joseph Kabila. 

Ce n’était pas la première fois que Semlex étaient impliqués dans des affaires de corruption. Cette société spécialisée dans la production des documents biométriques traîne derrière elle une longue histoire de scandales financiers et même de trafic d’armes à travers l’Afrique, notamment en Côte d’Ivoire et à Madagascar.

Cinq ans plus tard, en 2020, le prix du passeport a été réduit à 99 dollars, dont 40 dollars revenaient toujours à Semlex. Mais dans le même temps, le contrat a été prolongé de 12 mois. Le gouvernement affirmait avoir besoin de plus de temps pour trouver un nouveau prestataire. Pourtant, deux ans après l’attribution provisoire du marché à la société allemande Dermalog en 2022, Semlex semble toujours être aux commandes, laissant planer le doute sur la réelle volonté de changement.

Le cas de Semlex n’est pas isolé. La passation des marchés publics en RDC est très souvent entachées d’irrégularités et suit un schéma bien connu: un besoin crucial de la population est utilisé pour justifier un contrat coûteux, souvent conclu de gré à gré; les travaux sont lancés en grande pompe, puis les scandales éclatent, sans que le service public ne soit rendu ou amélioré. Lors de la signature du contrat avec Semlex, Matata Ponyo, alors Premier ministre, avait déjà exprimé des inquiétudes quant à la procédure. 

Autre exemple: le contrat de 1,2 milliards de dollars passé avec le groupement Afritech-Idemia pour la fabrication des cartes d’identité biométriques. Ce marché a été annulé après seulement la production des cartes pour une poignée de personnalités politiques, suite à la surfacturation et des soupçons de corruption.

Ces cas pourraient bien sûr être évités. La RDC est dotée d’un arsenal juridique lui permettant de prévenir toute forme de corruption liées aux marchés publics. Des procédures strictes sont prévues pour tout marché public national dépassant 100 millions de francs congolais (environ 35 000 dollars) et pour tout marché public international supérieur à 50 milliards de francs congolais (environ 17 millions de dollars). 

Toutefois, l’application de ces mesures se heurte à des obstacles importants. Le recours excessif aux marchés de gré à gré, qui échappent souvent aux procédures de contrôle habituelles, constitue une faille dans la gouvernance économique du pays. En 2019, par exemple, plus de 80 % des marchés publics liés aux grands travaux ont été conclus de gré à gré, ce qui illustre l’ampleur de ce problème. Ce contournement des procédures légales a un coût exorbitant pour la RDC. Non seulement il prive la population de services publics efficaces malgré l’argent des contribuables, mais il favorise aussi l’enrichissement d’une poignée d’élites congolaises et d’acteurs étrangers, au détriment du développement du pays et du bien-être de sa population.

Pour recevoir Po na Biso chaque vendredi sur votre téléphone, envoyez « GEC » ou « Ebuteli » via WhatsApp au +243 894 110 542.  À bientôt ! 

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