La prison de Makala : un symbole des défis carcéraux et judiciaires en RDC
Dans la nuit du 1er au 2 septembre, le centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa, prison centrale de Makala, a connu une tentative d’évasion. Bilan officiel : au moins 129 détenus tués dont 24 par balles, des femmes violées, un bâtiment administratif brûlé… Alors que le flou demeure sur les circonstances de cette tragédie, des enquêtes sont en cours : s'agissait-il d’une tentative d’évasion planifiée ou d’une révolte suite aux conditions difficiles de détention ? En tout cas, ce nouveau drame à Makala remet en lumière les défis du système carcéral congolais.
Bonjour et bienvenue dans ce 35e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) qui analyse, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise. Je suis Ange Makadi Ngoy, chercheuse à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 6 septembre 2024.
Depuis trois mois, la prison centrale de Makala est sous le feu des projecteurs. En juillet, sur son compte X (ex-Twitter), le journaliste Stanys Bujakera diffusait des images insupportables de la plus grande prison du pays où il a été incarcéré près de six mois. Mais son constat n’était malheureusement pas nouveau. Les conditions de détention à la prison de Makala sont inhumaines. La surpopulation carcérale, notamment, fait de ce lieu un mouroir pour les détenus. La prison de Makala a été construite pour 1 500 personnes ; aujourd’hui, elle héberge autour de 15 000 détenus.
Si Constant Mutamba, le ministre de la Justice, avait remis en cause la temporalité de ces images, la triste réalité avait fini par le rattraper lors de sa visite à la prison de Makala. Ceci l'a poussé à prendre certaines mesures, notamment la libération de 527 prisonniers en vue de désengorger la prison. Mais il est nécessaire d’aller au-delà de ces mesures symboliques. La prison de Makala n’est en effet que l’exemple le plus visible de ce qui se passe dans les prisons du pays : promiscuité extrême, conditions d'hygiène déplorables, manque d'eau potable, alimentation et médicaments insuffisants, violences et insécurité.
Revenons aux événements du 1er septembre. Des enquêtes indépendantes doivent être menées pour identifier les personnes décédées, les causes de leurs morts, et les circonstances de l’usage de balles réelles sur les détenus.
Mais quelles que soient leurs conclusions, il y a urgence à assurer enfin le respect des droits fondamentaux en prison. Des réformes courageuses doivent être engagées. Au niveau du parquet, il faudrait veiller au respect des délais prévus par la loi. Des violations massives des droits humains sont en effet commises à l’encontre des détenus, notamment parce que la majorité ne sont pas condamnés et donc en détention préventive. Au-delà de la nécessaire réforme du système carcéral, c’est toute la justice qui est à réformer.
Si le système carcéral congolais est bien confronté à un manque criant d'infrastructures, la construction des nouveaux centres pénitentiaires seule ne suffira pas. Elle risque en effet d'être une mesure coûteuse. Le principe de la liberté doit redevenir réellement la règle et la détention l’exception. Le législateur pourrait exclure la prison pour des délits mineurs et recourir à des amendes ; réduire le recours à la détention provisoire ; et réfléchir et mettre en place des alternatives à l’emprisonnement.
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