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Le compromis de la RDC et du Rwanda sur les FDLR

Le compromis de la RDC et du Rwanda sur les FDLR

Mar 29, 2024

Le 21 mars, à l'issue d'une réunion entre les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la République démocratique du Congo, sous la médiation de leur homologue angolais, les trois pays ont publié une déclaration qui, pour la première fois peut-être depuis le début de la crise du M23 en novembre 2021, laissait entrevoir des progrès. Bien que des désaccords soient encore apparents, le gouvernement congolais s'est engagé à proposer un plan de neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), après quoi le gouvernement rwandais « reverra les mesures et le dispositif pris pour assurer sa défense et sa sécurité ». Serait-ce le début d'une sortie de l'impasse actuelle ?

Bonjour et bienvenue dans ce 12e  épisode de la saison 4 de Po Na Biso (anciennement Po Na GEC), la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, qui tente chaque semaine d’éclairer un sujet d’actualité en RDC. Je suis Jason Stearns, directeur du GEC. 

Cette déclaration, signée par Christophe Lutundula pour le Congo et Vincent Biruta pour le Rwanda, tranche avec les invectives que les chefs d'État respectifs se sont échangées ces dernières semaines. Ce lundi, à l'issue d'une rencontre avec le président sud-soudanais Salva Kiir, le président Félix Tshisekedi a déclaré que le Rwanda  « est dirigé par un individu qui a pris goût à ce genre de crimes. Et c'est ce régime qui attaque la RDC ». En décembre, lors de la campagne électorale, il avait même comparé son homologue rwandais à Hitler. Paul Kagame, quant à lui, a accusé son voisin de soutenir ses ennemis :   « Il faut s'occuper des FDLR et de leur intégration dans les FARDC... il ne sert à rien de discuter avec ceux qui ont répété leurs mensonges assez longtemps, ils ont fini par y croire.» 

Ce n'est pas la première fois que la résolution des problèmes entre les deux pays se concentre sur les FDLR. Que les diplomates considèrent les rebelles comme une menace pour le Rwanda ou comme un simple prétexte, ils mentionnent souvent ce groupe armé dans la même phrase que le M23, comme lors des débats récents au Conseil de Sécurité de l’ONU. En 2009, lorsque le prédécesseur du M23, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), a été démantelé, ceci a fait partie d'un compromis qui a permis aux troupes rwandaises de se déployer dans l'est du Congo pour attaquer les FDLR. Elles l'ont fait, mais ces opérations ont également déplacé près d'un million de personnes et tué des centaines de civils. En 2013, les diplomates ont à nouveau fait pression sur le Rwanda pour qu'il retire son soutien au M23, promettant en échange que l'armée congolaise et l'ONU se concentreraient sur le démantèlement des FDLR. Finalement, les FARDC ont décidé de se concentrer sur une autre rébellion étrangère, les ADF, Allied Democratic Forces, ce qui a également déclenché des représailles brutales, entraînant la mort de milliers de personnes. Par contre, l'offensive menée par les armées rwandaises et congolaise fin 2019-début 2020 contre le CNRD, une branche dissidente des FDLR, a été moins catastrophique et plus ciblée. 

La nature du « plan de neutralisation des FDLR »  n'est pas claire. Le ministre des Affaires étrangères, M. Lutundula, a rejeté les critiques en déclarant qu'il fallait attendre voir le plan avant de le critiquer. Il a ajouté qu'en traitant avec les rebelles rwandais, la RDC  privait le Rwanda de tout prétexte pour envahir le pays . C'est peut-être vrai, mais cette approche comporte aussi des pièges. Cette démarche pourrait maintenant focaliser l'attention sur les FDLR et conditionner le retrait des troupes rwandaises - si c'est bien ce que signifie « revoir les mesures et le dispositif pris pour assurer sa défense et sa sécurité »- à des opérations contre les FDLR, ce qui sera difficile. La communauté internationale va-t-elle désormais se concentrer sur les FDLR et non plus sur le M23 ? Est-ce que la pression sur le Rwanda pour retirer ses troupes pourrait diminuer?

Deuxièmement, comme le montre l'histoire, les opérations contre les groupes armés, en particulier ceux qui ont étendu leurs liens avec d'autres groupes armés comme les FDLR, conduisent souvent à des effusions de sang. La population civile du Nord-Kivu va-t-elle une fois de plus faire les frais du bras de fer entre les deux pays ?

En attendant les prochaines évolutions diplomatiques et militaires, vous pouvez recevoir Po Na Biso, chaque vendredi sur votre téléphone en envoyant « Ebuteli » ou « GEC » par WhatsApp au +243894110542. À très bientôt.

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