Nouvelles sanctions occidentales contre l’AFC : des mesures uniquement symboliques ?
« Nous condamnons l’AFC et ses membres, dont le M23, qui alimentent un conflit sanglant et exacerbent la crise humanitaire dans l’est de la RDC », a déclaré un représentant du gouvernement américain le jeudi 25 juillet. Ce jour-là, les États-Unis ont imposé des sanctions visant l’Alliance Fleuve Congo (AFC). Le lendemain, l’Union européenne (UE) a, elle aussi, annoncé de nouvelles sanctions.Alors qu’un nouveau cessez-le-feu vient d’être décidé, peut-on s’attendre à un impact de cette nouvelle vague de sanctions individuelles sur la situation à l’est de la RDC ?
Bonjour et bienvenue dans ce 30e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli qui analyse chaque semaine un sujet de l’actualité en RDC. Je m’appelle Linda Fundiko et je suis assistante gestionnaire des données au Baromètre sécuritaire du Kivu (KST).
Selon le gouvernement américain, ces sanctions ont pour objectif de « demander des comptes à ceux qui cherchent à perpétuer l’instabilité, la violence et les dommages causés aux civils afin d’atteindre leurs objectifs politiques ». Elles visent des personnes et des entités associées à la rébellion de l’AFC, notamment des membres des groupes armés M23 et Twirwaneho, ainsi que Corneille Nangaa, le leader de l’AFC. Les sanctions de l’UE visent l’AFC ainsi que neuf personnes, dont Corneille Nangaa, deux dirigeants du M23 et des leaders d’autres groupes armés, notamment des FDLR et ADF. De manière importante, l’UE a également sanctionné un colonel de l’armée rwandaise.
Concrètement, ces sanctions interdisent aux personnes concernées tout voyage aux États-Unis ou dans l’UE. De plus, il s’agit de bloquer l’ensemble des avoirs détenus aux États-Unis ou dans l’UE, directement ou indirectement, par les entités ou personnes visées, ainsi que d’interdire à toute entreprise ou citoyen américain de commercer avec elles.
De telles sanctions sont un outil auquel les États-Unis et l’UE ont déjà eu recours de nombreuses fois pour tenter d’influencer positivement la situation en RDC. Comme le souligne le communiqué de presse du département du Trésor américain, « le but ultime des sanctions n'est pas de punir, mais d'apporter un changement positif de comportement ». Ainsi, les personnes listées devraient par exemple, abandonner la rébellion ou mettre fin à la corruption – pour espérer la levée des restrictions. Par exemple, les interdictions de voyage ont plus de chances de fonctionner quand les individus sanctionnés voyagent souvent en Europe ou aux États-Unis. Tel était par exemple le cas de ministres sous Joseph Kabila sanctionnés, qui avaient parfois des résidences en Occident, avec une partie de leur famille qui y habitait. Mais la même mesure n’aura pas le même impact sur un leader rebelle qui n’a jamais mis les pieds en Occident : celui-ci ne sera aucunement affecté par une restriction de ce type . Bien que plus difficiles à obtenir, les sanctions individuelles des Nations unies ont plus d’impact car elles interdisent en théorie tout voyage à l’étranger, y compris en Ouganda, au Rwanda ou au Kenya.
Concernant le gel des avoirs, vu que ces sanctions étaient prévisibles, il est fort probable que – si certaines personnes visées avaient de tels avoirs en Occident – elles les aient déjà déplacés ou bien mis sous le nom de proches.
Le cas du leader de l’AFC et ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Corneille Nangaa est intéressant. Celui-ci est doublement sanctionné par les États-Unis. En effet, le gouvernement américain l’avait déjà sanctionné en 2019 pour « sa participation, en tant tant que président de la Ceni à des actions ou à des politiques sapant les processus ou les institutions démocratiques en RDC » après les élections controversées de 2018 ayant placé Félix Tshisekedi à la tête du pays. Ces nouvelles sanctions américaines peuvent être interprétées comme un signe de l’incapacité des premières à influencer son comportement dans le sens souhaité.
Pour autant, ces sanctions constituent un signal indiquant que l’UE et les États-Unis condamnent la crise sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC. Elles peuvent aussi aider à dissuader d’autres politiciens ou militaires haut-gradés congolais qui seraient tentés de rejoindre l’AFC/M23. Pour plus d’efficacité, les États-Unis et l’UE gagneraient toutefois à infliger des sanctions contre les États qui soutiennent ces mouvements rebelles, comme ce fut le cas après la prise de Goma par le M23 en 2012.
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