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Pourquoi la mission de la SADC exaspère-t-elle tant le Rwanda ?
Est-ce une défaite anecdotique ? Ou un tournant dans la crise du M23 ? La diplomatie rwandaise a en tout cas enregistré un revers le mardi 5 mars lorsque le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a officiellement soutenu le déploiement de la SAMIDRC, la mission de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) dans l’est du Congo, malgré les virulentes protestations du ministre rwandais des Affaires étrangères deux jours plus tôt. Pourquoi le gouvernement rwandais s’inquiète-t-il autant de cette mission ?
Bonjour et bienvenue dans le 9e épisode de la saison 4 de Po Na Biso, la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo et d’Ebuteli qui tente chaque semaine d’éclairer un sujet d’actualité en RDC. Je suis Pierre Boisselet, directeur des recherches sur la violence à Ebuteli, et cette semaine nous nous intéressons à l’hostilité du Rwanda à l’égard de la mission de la SADC dans l’est de la RDC.
Le premier signe officiel de frustration du Rwanda à l’égard de cette mission fut probablement sa lettre au Conseil de sécurité de l’ONU, le 12 février dernier. Celle-ci s’indignait des propos du chef du département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, qui envisageait un appui logistique et opérationnel à la SAMIDRC. Kigali suggérait même que les forces de la SADC agissaient en coalition avec les FDLR, les rebelles hutu rwandais, héritiers aujourd’hui affaiblis des anciennes forces armées rwandaises impliquées dans le génocide des Tutsi de 1994. Le gouvernement rwandais laissait aussi entendre que la SAMIDRC était alliée à des forces étatiques motivées par la haine ethnique contre les Tutsi voire que cette force pourrait servir à d’éventuels projets de renversement du régime rwandais par les gouvernements congolais et burundais.
S’il est vrai que les experts de l’ONU sur la RDC ont documenté la participation des FDLR aux combats contre le M23 et l’armée rwandaise aux côtés de l’armée congolaise, les craintes mises en avant par le Rwanda pour contester le déploiement de la SADC semblent nettement exagérées. Surtout, le discours de la diplomatie rwandaise inverse les causes et les conséquences. C’est largement après que l’armée rwandaise a pénétré sur le territoire congolais que Kinshasa a fait appel à la SADC pour venir l’épauler, plutôt que l’inverse.
On peut d’ailleurs douter de la capacité de la SAMIDRC à infliger des revers sérieux à un M23 soutenu par le Rwanda. Les pays qui la composent (Afrique du Sud, Tanzanie et Malawi) sont certes les mêmes qui composaient la Brigade d’intervention de la Monusco qui fut très efficace contre le M23 en 2013. Mais ils ne jouissent plus directement des moyens et de la légitimité internationale de l’ONU. De plus, l'armée sud-africaine, qui en constitue le fer de lance, semble avoir largement perdu en force de frappe, notamment en moyens aériens, cruciaux dans cette bataille. La mission de la SADC n’a en tout cas pas empêché le M23 de continuer se progression : les rebelles ont encore pris la ville de Nyanzale, sur le territoire de Rutshuru, le 6 mars.
Dès lors, comment comprendre cette agitation du gouvernement rwandais à l’égard de ce déploiement ? La très nette dégradation de ses relations avec le Burundi, ainsi que l’entrée de la Tanzanie dans la SAMIDRC, fait que Kigali est aujourd’hui entouré de pays avec lesquels il est plus ou moins directement en conflit – à l’exception de l’Ouganda – ce qui peut alimenter sa paranoïa.
Surtout, la présence de la SAMIDRC pourrait aider Kinshasa à résister à la pression pour ouvrir des négociations avec le M23, solution visiblement souhaitée par Kigali.
La contribution de la SADC pourrait être finalement plus politique que militaire. Le Rwanda se retrouve confronté, non plus seulement à une armée congolaise critiquable, et à des supplétifs qui le sont encore plus, mais aussi à une force qui est officiellement soutenue par l’Union africaine et qui pourrait l’être aussi par l’ONU. Il pourrait devenir plus difficile pour ce pays de justifier son combat sur le territoire congolais.
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