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RDC : trouver la paix entre Nairobi, Luanda, Doha et Washington

RDC : trouver la paix entre Nairobi, Luanda, Doha et Washington

Jun 6, 2025
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Le conflit du M23 est dans une impasse précaire depuis le retrait des rebelles de la cité de Walikale en avril. Depuis lors, une intense activité diplomatique s'est déployée, impliquant une multitude d'acteurs : la Communauté d'Afrique de l'Est, la Communauté de développement de l'Afrique australe, l'Union africaine, le Qatar, et les États-Unis, entre autres. Cependant, le processus est resté relativement opaque, avec peu de communication, et de nombreuses rumeurs circulent au sujet d'accords miniers, de mercenaires et d'accords secrets.

Nous sommes là pour vous aider à mieux comprendre ces dynamiques. Vous écoutez le 22e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, la capsule audio d'Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, et du Groupe d'étude sur le Congo (GEC) qui analyse, chaque semaine, un sujet d'actualité congolaise. Je m'appelle Jason Stearns, cofondateur d'Ebuteli et du GEC. Nous sommes le vendredi 6 juin 2025.

Le centre de gravité du processus de paix a évolué au fil du temps. En 2022, alors que le conflit commençait à s'intensifier, c'est la Communauté de l'Afrique de l'Est qui a lancé un processus de paix, sous la houlette d'Uhuru Kenyatta, alors président du Kenya. L'approche était nationale, visant à réunir les Congolais autour d'une table pour régler leurs différends. Elle a rapidement échoué, la RDC refusant de dialoguer avec le M23, considéré comme un proxy rwandais. L'élan s'est alors déplacé vers le niveau régional, l'Union africaine, sous la houlette du président angolais Joao Lourenço, tentant de négocier la paix entre le Rwanda et la RDC. Ce processus a ensuite abouti à une impasse en décembre dernier, lorsque le président Kagame a refusé de se présenter pour signer un accord de paix à Luanda. Son gouvernement a alors intensifié le conflit, prenant les villes de Goma et Bukavu avec le M23 en janvier et février.

C'est maintenant au tour du Qatar et des États-Unis. Le 19 mars, les présidents Kagame et Tshisekedi se sont rencontrés à Doha, puis leurs ministres des Affaires étrangères ont signé une déclaration de principes à Washington le 25 avril.

Les deux pays apportent un poids considérable à la table des négociations. Le Qatar est l'un des plus grands investisseurs au Rwanda, actionnaire majoritaire du projet d'aéroport de Bugesera, qui coûtera environ 2 milliards de dollars américains, et bientôt probablement un investisseur majeur dans RwandAir. De leur côté, les États-Unis s'intéressent de près aux minerais critiques de la région.

Quelles sont donc les grandes lignes de cet accord proposé ? Les détails n'ont pas été rendus publics, mais en voici les contours globaux.

La question régionale passe avant tout. Les États-Unis ont mis sur la table une proposition ambitieuse qui appelle le Rwanda à retirer ses troupes et le M23 à céder la majeure partie de son territoire, y compris Goma et Bukavu, au gouvernement congolais. En contrepartie, les États-Unis offrent des incitations économiques : des contrats miniers qui permettraient au Rwanda de transformer légalement les minerais congolais ; un nouveau barrage hydroélectrique sur la rivière Ruzizi qui pourrait produire 206 mégawatts d'électricité pour le Rwanda, la RDC et le Burundi (la capacité électrique totale du Rwanda est actuellement d'environ 270 mégawatts) ; et éventuellement d'autres investissements au Rwanda.

Mais cette proposition pourrait être difficile à accepter pour le Rwanda. Le pays a vu des centaines de ses soldats tués en RDC. Il a acheté de nouveaux équipements à plusieurs millions de dollars – des drones ainsi que du matériel de brouillage des signaux – pour mener la guerre contre l'armée congolaise. En outre, alors qu'il exportait déjà des millions de dollars de minerais congolais de contrebande avant même la crise du M23, ses exportations d'or ont explosé, atteignant 1,5 milliard de dollars l'année dernière selon le gouvernement rwandais.

En d'autres termes, les États-Unis et d’autres pays influents devront probablement exercer des pressions en plus d'offrir des incitations. Du côté congolais, le gouvernement pourrait également devoir avaler certaines pilules amères : accepter que le M23 se transforme en parti politique et que certains de ses soldats intègrent l'armée nationale, et mener des opérations – éventuellement conjointement avec l'armée rwandaise – contre les rebelles rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Selon certaines informations, les deux parties, ainsi que le M23, se réuniront à Washington dès la semaine prochaine pour poursuivre les négociations.

Même s'ils parviennent à un accord – pour l'instant, le Rwanda serait très réticent –, ce ne serait que le début. La prochaine étape nécessiterait un véritable processus de paix : d'abord la mise en œuvre de l'accord, avec des opérations contre les FDLR, le retour des réfugiés et la démobilisation ou l'intégration dans l'armée nationale du M23. Mais la RDC a également désespérément besoin d'un processus de paix plus large, impliquant les dizaines d'autres groupes armés présents dans le pays, y compris les Wazalendo, qui ont militarisé de vastes zones rurales, ainsi que d'un programme de justice transitionnelle, d'une réforme du secteur de la sécurité et d'une résolution des questions épineuses liées à la terre et à l'identité, qui sont à l'origine de cette crise qui dure depuis plus que trois décennies.

En attendant la suite, nous vous invitons à rester connectés à nos analyses et reportages sur la scène congolaise. Vous pouvez le faire en rejoignant notre fil Whatsapp en envoyant GEC ou Ebuteli au +243894110542 pour recevoir Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !

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