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Élections indirectes de gouverneurs et sénateurs : peut-on éviter la corruption des députés provinciaux ?

Élections indirectes de gouverneurs et sénateurs : peut-on éviter la corruption des députés provinciaux ?

Mar 1, 2024

Le 28 février, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a révélé être informée de cas de corruption impliquant certains prétendants candidats sénateurs, gouverneurs et vice-gouverneurs de provinces. Ces derniers auraient corrompu ou se seraient vus demander par des députés provinciaux, agissant en tant que grands électeurs, de payer des sommes d’argent considérables en échange de leurs suffrages. Cette annonce vient confirmer les craintes de plusieurs  observateurs qui redoutent que ces élections soient, comme en 2019, marquées par la corruption. Peut-on éviter ou empêcher un tel scénario ? 

Bonjour et bienvenue dans ce 8e épisode de la saison 4 de Po Na Biso (anciennement Po Na GEC), la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, qui tente chaque semaine d’éclairer un sujet d’actualité en RDC. Je suis Ithiel Batumike, chercheur au pilier politique de Ebuteli.

En mars 2019, les élections sénatoriales avaient donné lieu à une vague d’indignations à la suite des accusations de corruption ayant émaillé ces scrutins. Quelques jours avant la tenue des scrutins, certains candidats avaient tout simplement retiré leurs candidatures en signe de protestation contre d'impressionnantes sommes d’argent qui leur étaient sollicités par les députés provinciaux. À la proclamation des résultats le jour même des scrutins, le 15 mars, quelques tensions ont éclaté,  notamment à Kinshasa et à Mbujimayi, où les militants de l’Union pour la démocratie et le progrès social protestaient contre la sous représentation de leur parti au Sénat, malgré le nombre important de leurs députés provinciaux à travers le pays. 

À l’époque, le président de la République avait décidé de suspendre l’installation du Sénat et la poursuite de l’élection des gouverneurs de provinces. Puis, il avait ordonné au procureur près la Cour de cassation de diligenter des enquêtes pour élucider les cas présumés de corruption. Les résultats de ces enquêtes n’ont jamais été révélés, et aucun responsable n’a été officiellement mis en cause. 

La réforme du mode de scrutin pour l'élection de gouverneurs et de sénateurs, visant à limiter la corruption en excluant les candidats sans soutien à l'Assemblée provinciale via un système de parrainage, n'a pas été retenue dans la modification de la loi électorale de 2022. Pour être recevable toute candidature à ces scrutins devrait recevoir l’investiture d’un nombre déterminé des députés provinciaux. En revanche, la condamnation pour corruption a été élaguée de la loi électorale parmi les causes d’inéligibilité à vie. Ce qui constitue un recul par rapport à l’engagement affiché du président Félix Tshisekedi en faveur de la lutte contre la corruption.  Durant son premier quinquennat, diverses structures gouvernementales de lutte contre la corruption ont été créées ou redynamisées. À ce jour, seule l’Inspection générale des finances (IGF) semble produire les résultats escomptés. Les autres structures, à l’instar de l’Observatoire de surveillance de la corruption et de l'éthique professionnelle (OSCEP) et de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) ont été elles-mêmes éclaboussées par des scandales de corruption. Qu’à cela ne tienne, l’APLC a annoncé le 14 février 2024, vouloir mettre en place un numéro vert afin de recevoir les dénonciations de corruption durant ce processus électoral. Mais jusqu’à ce jour, ce numéro n’a toujours pas été rendu public. 

Dans son communiqué, la Ceni menace d’appliquer les articles 10 et 10 bis de la loi électorale qui prévoient notamment l’inéligibilité, la déchéance de la qualité d’élu, ou la nullité des suffrages pour certains motifs, y compris la corruption. Or, pour que la corruption soit considérée comme cause d’inéligibilité, il faut qu’elle soit établie en fait comme en droit par une décision judiciaire irrévocable. Ce qui risque d'être difficile, compte tenu du défi de prouver la corruption dans les élections indirectes.

Cette situation polarise la société congolaise aujourd’hui entre les partisans de l’élection au suffrage universel direct et ceux de la nomination des gouverneurs par le président. Félix Tshisekedi s’est nettement positionné dans ce dernier camp, selon ses réponses reprises dans l’outil d’aide au vote Keba! Dès lors, peut-il avoir le courage de suspendre la tenue de ces scrutins et engager le pays sur la voie des réformes constitutionnelles ? Des réformes qui pourraient offrir une solution durable à la  crise de confiance récurrente vis-à-vis des élus issus des scrutins indirects en RDC, si elles posent les bases d’un système électoral plus transparent et moins sujet à la corruption.

En attendant, vous pouvez recevoir Po Na Biso, chaque vendredi sur votre téléphone en envoyant « Ebuteli » ou « GEC » par WhatsApp au +243 89 41 10 542. À très bientôt.

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