Le général Gasita persona non grata à Uvira : discrimination tribale ou faiblesse de l’État ?
Le 8 septembre, la ville d’Uvira, chef lieu provisoire de la province du Sud-Kivu, a été secouée par une manifestation violente organisée par la société civile et les Wazalendo pour exiger le départ du général Olivier Gasita, commandant adjoint chargé des opérations et renseignements au sein de la 33e région militaire des Forces armées de la RDC (FARDC). Il lui est publiquement reproché d’être issu de la communauté banyamulenge. Ses détracteurs l’accusent aussi d’avoir été complice de la chute de Bukavu en février dernier. Malgré les assurances de l’état-major à Kinshasa sur la loyauté de cet officier, plusieurs sources confirment que ce dernier a finalement quitté la ville d’Uvira sous la pression, le 10 septembre. Quels enseignements tirer de cette opposition d’une partie de l’opinion à la présence d‘officiers issus de cette communauté au sein des FARDC ?
Bonjour ! Je m’appelle Ange Makadi Ngoy. Je suis chercheuse à Ebuteli. Vous écoutez le 36e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Ce podcast analyse chaque semaine un sujet de l’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 12 septembre 2025.
« Après les enquêtes menées, on n'a rien trouvé sur lui. C'est pour cela qu'il est retourné à son poste », affirmait Sylvain Ekenge, porte-parole des FARDC, pour défendre l’officier récusé, le 6 septembre.
Pourtant, l’intransigeance des Wazalendo et de la société civile locale à son encontre a fini par faire plier les autorités.
Cet épisode révèle la vulnérabilité d’un pouvoir qui, en confiant une partie de sa sécurité à des groupes armés dits patriotes, finit par subir leur pression. Comme le soulignait déjà un rapport d’Ebuteli et du GEC en mai dernier, cette stratégie de sous-traitance de la sécurité fragilise la souveraineté de l’État : les Wazalendo semblent désormais en mesure d’imposer leur veto à certaines décisions régaliennes. Cet incident s’ajoute d’ailleurs à une série d’accrochages réguliers rendant difficile la cohabitation entre les Wazalendo et les FARDC dans plusieurs régions et plus particulièrement à Uvira.
Ce rejet de Gasita est aussi la conséquence directe de l’ambivalence du gouvernement qui, tout en décourageant les discours de haine tribale, s’est parfois montré complaisant à l'égard de certains acteurs politiques vecteurs de la haine contre les Tutsi.
Tant que le gouvernement laisse prospérer la méfiance communautaire, certaines affectations deviendront des étincelles dans un champ déjà inflammable.
La nomination du général Masunzu, un autre Munyamulenge, à la tête de la troisième zone de défense juste après la chute de Goma avait déjà fait l’objet de divers commentaires discriminatoires, parfois réduits à des jugements sur son faciès sur les réseaux sociaux.
Et plus récemment, lesles Wazalendo ont perturbé à Uvira les funérailles du colonel Patrick Gisore ont perturbé à Uvira les funérailles du colonel Patrick Gisore, un autre Munyamulenge, décédé dans un crash près de Kisangani.
Certes, les défaites répétitives des FARDC interrogent sur les complicités avec l’ennemi. Il est donc légitime que des doutes soient émis contre certains officiers ayant participé aux opérations précédentes. Mais les accusations doivent se baser sur des faits et non sur des préjugés.
Dans une région où des tensions entre les Banyamulenge et les autres communautés perdurent, ce départ du général Gasita pourrait être instrumentalisé par Kigali comme une preuve de plus de la tutsiphobie qu’il a toujours épinglé comme l’une des « causes profondes » de la crise persistante dans l’est de la RDC.
Il est pourtant possible et nécessaire de s’opposer à l’agression dont le pays est victime sans verser dans la haine tribale. Cette situation souligne la nécessité d’envisager la réconciliation entre les communautés parmi les approches de résolution de cette crise. À commencer, peut-être, par cesser de soutenir des groupes armés incontrôlés.
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