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Exploiter le pétrole ou préserver le patrimoine écologique: la RDC peut-elle faire les deux ?

Exploiter le pétrole ou préserver le patrimoine écologique: la RDC peut-elle faire les deux ?

May 16, 2025

L’annonce du gouvernement congolais d’ouvrir 52 nouveaux blocs pétroliers à l’exploration — en plus des trois déjà attribués dans la cuvette centrale a, sans surprise, suscité une vague de réactions. Comme par le passé, deux camps se dessinent : d’une part, le gouvernement, qui y voit une opportunité de développement économique et d’accroissement des recettes publiques, et de l’autre, les activistes, qui redoutent l’impact sur l’environnement et les communautés locales, le manque de transparence et les risques de corruption. Les arguments de part et d’autre méritent d’être examinés avec nuance. 

Bonjour,

Je m’appelle Jacques Mukena. Je suis chercheur principal au pilier gouvernance d’Ebuteli. Vous écoutez le 19e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Chaque semaine, ce podcast vous propose notre point de vue sur une question d’actualité en RDC.

Nous sommes le vendredi 16 mai 2025.

Commençons par la dimension environnementale. La RDC abrite environ 60 % du bassin du Congo, deuxième poumon de la planète. Les activités pétrolières envisagées pourraient menacer sa biodiversité, ses tourbières, et surtout les moyens de subsistance des communautés locales. L’ONG Greenpeace estime, par exemple, qu’une telle décision aggraverait la déforestation, renforcerait les crises climatiques, et mettrait en péril les droits des peuples autochtones. 

Mais cette position se heurte à l’argument de la justice climatique, très souvent avancé par les autorités congolaises. La RDC n’émet que 0,1 % des gaz à effet de serre, tandis que la Chine, les États-Unis et l’Inde totalisent à eux trois près de 50 % des émissions. Reprocher au pays de chercher à maximiser les revenus apparaît inéquitable, d’autant plus que malgré les promesses de financement climatique, les mécanismes de compensation restent flous et largement insuffisants. Comme le souligne le rapport d’Ebuteli sur l’économie politique des financements climatiques, cela alimente le sentiment, en RDC, que les efforts demandés sont à sens unique. « Doit-on se priver d’exploiter le pétrole là où les gens manquent du pain ? » rappelait d’ailleurs Ève Bazaiba, ministre de l’Environnement.

Cependant, cet argument ne peut être brandi sans nuance. Car si chaque pays l’invoque pour justifier l’exploitation de ses ressources fossiles, les efforts mondiaux de réduction des émissions risquent de s’effondrer. Et la vulnérabilité actuelle de la RDC aux changements climatiques pourrait davantage s’aggraver.

La gouvernance demeure le véritable enjeu. L’échec des appels d’offres de 2022 – 30 blocs mis sur le marché puis annulé deux ans plus tard – continue d’entretenir le scepticisme sur la capacité du gouvernement de faire mieux cette fois. Le gouvernement assure pourtant avoir tiré les leçons de cet épisode: un nouveau code pétrolier est en préparation, un fonds pour les générations futures sera mis en place, et les exigences environnementales auraient été renforcées, avec l’expertise du ministère de l’environnement. Les critiques y voient plutôt une tentative de donner une image écologique à ce projet. Ils rappellent qu’à Moanda, où l’extraction pétrolière se poursuit depuis des décennies, les retombées pour la population restent limitées tandis que les impacts sur les communautés locales perdurent. 

Cela dit, s’opposer radicalement à l’exploitation - ou même à l’idée d’exploration - au motif des failles passées figerait un débat pourtant essentiel. Les activistes multiplieraient mises en garde et campagne, jusqu’à peut-être décourager les investisseurs, tandis que le gouvernement, au nom de la souveraineté nationale et des besoins économiques, avancerait unilatéralement, sans véritable débat public. Aimé Sakombi, ministre des Hydrocarbures, l’a récemment martelé :  le gouvernement ne reculera plus. Cependant, poursuivre le processus sans répondre en profondeur aux questions légitimes soulevées renforcerait la méfiance, et découragerait aussi les financements verts. Ceci priverait le pays d’investissement nécessaire pour des projets comme la création du couloir vert Kivu-Kinshasa annoncé par le président en janvier 2025. 

Une des solutions de cette impasse est d’éviter la polarisation « forer ou préserver ». S’il est difficile de réconcilier les deux points de vue dans leurs postures actuelles, le minimum pour le gouvernement, serait d’être clair et transparent sur la question des aires protégées, les fonds pour les générations futures, et surtout de présenter un plan de transition progressive vers les énergies renouvelables, comme le font d’autres pays producteurs de pétrole.  

Sans ce cadre, activistes et gouvernement resteront campés sur leurs positions, et le pays continuera de perdre sur tous les fronts.

En attendant, rejoignez notre fil WhatsApp en envoyant « GEC » ou « Ebuteli » au +243 894 110 542 pour recevoir Po Na Biso chaque vendredi sur votre téléphone. À bientôt !

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« Po Na Biso »