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RDC : quelles leçons peut-on tirer de la condamnation de Mutamba ?

RDC : quelles leçons peut-on tirer de la condamnation de Mutamba ?

Sep 5, 2025
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Le 2 septembre, la Cour de cassation a rendu son verdict tant attendu dans l’affaire opposant le ministère public à Constant Mutamba, ancien ministre de la Justice, poursuivi depuis plusieurs mois pour détournement de près de 20 millions de dollars américains issus du Fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO). 

Depuis le mois de mai, l’affaire Mutamba a tenu la population congolaise en haleine. Agé de 37 ans, cet ancien candidat président de la République, devenu ministre de la Justice du gouvernement Suminwa I, a été finalement condamné à trois ans de travaux forcés et cinq ans d’interdiction de droit au vote et d'éligibilité après l’expiration de la peine principale, ainsi que d’autres peines complémentaires. Les fonds détournés seront restitués au Trésor public.

 Bonjour ! Je m’appelle Jolino Malukisa. Je suis directeur du pilier gouvernance d'Ebuteli. Vous écoutez le 35e épisode de la saison 5 de Po Na Biso, capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Ce podcast analyse chaque semaine un sujet de l’actualité congolaise. Nous sommes le vendredi 5 septembre  2025.

Au cours de ces dernières années, les scandales financiers ne cessent de défrayer la chronique en RDC. Bien avant l’alerte de la Cellule nationale des renseignements financiers qui conduit à l’interpellation et à la condamnation de Mutamba, un ancien ministre des finances, Nicolas Kazadi, avait suscité un tollé en partageant avec une journaliste son expérience amer du gouvernement en ces termes  : « Nous voulons trop de jouissance. S’il y a de l’argent, partageons d’abord et nous allons réfléchir après. L’argent du projet est arrivé, on se le partage d’abord et on va réfléchir plus tard. » Ces propos évoquent   la corruption et l’impunité à grande échelle ; le procès Mutamba semble constituer une exception à la règle. Ironie du sort, Mutamba lui-même affichait publiquement ses ambitions de combattre la corruption judiciaire, au point de se créer de nombreux ennemis parmi les hauts magistrats. 

Quelles leçons peut-on tirer de la condamnation de l’ancien ministre de la Justice devenu populaire à un moment donné en s’attaquant à la corruption du pouvoir judiciaire ? 

Au-delà d’une justice à deux vitesses et à la solde des plus forts, on peut retenir d’abord que la lutte contre la corruption suppose avant tout d’avoir, soi-même les mains propres, et surtout de savoir s’échapper aux pièges tendus par les acteurs qui voient leurs intérêts menacés. À coup sûr, pour se retrouver dans une telle situation, Mutamba a certainement scié la branche sur laquelle il était assis.

Ensuite, il convient de noter que malgré les faits reprochés à Mutamba, il a remarquablement conservé une certaine popularité. À la veille du verdict, une tension était observée à sa résidence et au centre-ville de Kinshasa ; ce qui a conduit à un fort  déploiement de la police et de l’armée. Dans un communiqué de presse, le Conseil supérieur de la magistrature avait invité tout citoyen à la retenue et au respect des lois de la République le jour du prononcé du jugement. La mobilisation d’une partie de l’opinion nationale en faveur de Mutamba est révélatrice des revendications majeures des Congolais. En premier lieu, il s’agit de la désapprobation d’une justice à deux vitesses. En second lieu, la conscience collective obéit aujourd’hui à une logique selon laquelle il faut toujours soutenir celui qui  « partage » ses avoirs avec les pauvres ou défend les intérêts de ces derniers même s’il a détourné les deniers publics. 

Par conséquent, les autorités publiques réputées corrompues à l’échelle nationale ou locale parviennent toujours à se faire élire à partir du moment où elles se livrent au blanchiment des capitaux, en investissant notamment dans leurs régions ou territoires d’origine. Comme on le dit à Kinshasa, Apesa atala te. De nombreux  mandataires publics ont recours à cette recette qui ne favorise pas le développement national.

Autre chose à retenir de l’affaire Mutamba : en RDC, on a l’habitude d’observer les revendications des originaires chaque fois que les leaders politiques doivent être poursuivis par la justice. Chacun a son clan, sa tribu, son ethnie, sa province qui le défend même face aux évidences de détournement ou de corruption. Pour Mutamba, ces considérations n’ont pas pris le dessus. Ce qui revient à dire que lorsque la population a le sentiment qu’un leader politique pense à ses intérêts, elle peut se mobiliser sans tenir compte de liens d’appartenance clanique, tribale ou ethnique. 

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